Des savoirs et savoir-faire particuliers ont été transmis au fil des générations et se pratiquent aujourd’hui, sur tout le territoire breton, pour traiter les maux courants chez l’homme et l’animal.
Les vertus thérapeutiques du lin et du chanvre, socle des pratiques médicinales
Si le lin et le chanvre sont cultivés et utilisés surtout pour leurs qualités textiles, leurs vertus thérapeutiques sont également reconnues : les deux herbacées possèdent en commun des caractéristiques et propriétés qui permettent de les comparer.
Le lin (linum usitatissimum) est une herbacée annuelle à croissance rapide. Semé en mars-avril, il est en fleur en juin et récolté 100 jours après le semis, lorsque sa taille atteint près de 1 m. Le lin comporte aujourd’hui plusieurs centaines de variétés, dont les productions principales sont les fibres (lin textile) et les graines (lin oléagineux). Les graines de lin renferment environ 40 % d’huile riche en acide alphalinoléique (oméga-3) et en acide linoléique (oméga-6) (deux des acides gras essentiels), près de 25 % de protéines, environ 10 % de mucilage et des traces d’hétérosides cyanogénétiques. Selon la façon dont elles sont préparées et administrées, les semences de lin offrent des propriétés émollientes, adoucissantes, laxatives, anti-inflammatoires ou vermifuges.
Le chanvre (cannabis sativa) est une herbacée annuelle à feuilles palmées et à croissance rapide. Son nom latin (cannabis, deux tiges) rappelle qu’il est dioïque ; il possède des plants mâles et femelles séparés. Semé fin avril-début mai, le chanvre est récolté 120 jours plus tard ; sa taille peut dépasser 4 m. Le chanvre contient deux acides gras essentiels, de l’acide linoléique (oméga-6) et de l’acide alphalinolénique (oméga-3). Il est également riche en vitamine D et E, en acides animés, en protéines dites « complètes », en minéraux et en fibres. Enfin, il comprend du cannabidiol ou CBD. Les propriétés principales du chanvre sont les suivantes : émollientes, hydratantes, relipidantes, réparatrices, protectrices, raffermissantes, analgésiques, anti-inflammatoires et calmantes.
Les usages médicinaux du lin
En infusion et décoction (usage interne), la graine de lin peut être administrée aux êtres humains ainsi qu’aux vaches et aux chevaux pour lutter contre les problèmes digestifs. Plant Breizh evit ho yec’hed (Ar Floc’h, 1993), qui publie quelques recettes aux vertus laxatives, conseille de mettre une grande cuillerée de graines ou de farine de lin à tremper dans un verre d’eau pendant la nuit et de le boire en se levant le lendemain matin. Du miel peut être ajouté à la décoction, qu’il est préférable de boire tiède. Pour traiter les maux d’estomac, d’intestin, de reins ou de vessie, il préconise de boire de l’eau dans laquelle a été laissée bouillir, de 1 à 2 heures, une poignée de farine de lin. Selon l’auteur, « Evañ al lin gant an dour, rak n’eo al louzoù-se na dañjerus na doñjerus » (« Buvez du lin avec de l’eau car ce médicament n’est ni dangereux ni écœurant »).
Avec une bouillie faite de graines écrasées, la médecine vétérinaire continue à « purger » les bêtes, en leur administrant des graines de lin écrasées, mélangées ou non à leur alimentation, pour lutter contre la constipation, le gonflement ou tout autre problème de digestion. L’Enquête sur les remèdes traditionnels en Bretagne (Auray, 2011) cite plusieurs exemples de recettes utilisant les propriétés laxatives du lin. Pour prévenir ce mal chez les cochons, à Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan) : « On mettait des pataches (patates) à bouillir dans une chaudière et puis on mettait dedans une jointrée (contenue de deux mains) de graines de lin parmi les pommes de terre. Ça aidait les truies à évacuer et en même temps c’est très sain. Ça peut pas faire de mal » (Auray, 2011, p. 46). À Saint-Urbain (Finistère), Jean-Yves Salaün, agriculteur, laisse tremper deux poignées de graines de lin (greun lin, en breton) pendant une demi-heure dans de l’eau chaude avant de faire avaler la totalité de cette préparation aux veaux ou vaches souffrant de constipation. François Le Bris, éleveur et enseignant en équitation à Crozon (Finistère), a appris de ses grands-parents et de son père leveurs, le remède suivant pour faciliter la digestion et vermifuger les chevaux : administrer une fois par mois un bol de graines bouillies deux à trois jours avant la pleine lune, puis à nouveau quatorze jours après le premier traitement. En médecine traditionnelle, la reproduction des parasites est réputée en effet suivre le même cycle que la lune (28 jours). Cette recette qu’il pratique et transmet à ses élèves est conseillée à chaque début de saison, trois fois dans l’année, dès la pleine lune de février.
En usage externe, le lin peut être utilisé sous forme de cataplasmes et de sinapismes. Appelés palastroù ou palastrenn (« plâtrages ») en breton, les cataplasmes ou synapsismes, dans leur version chaude, permettent de traiter de nombreux maux (coups de froid, rhumes, bronchite, maux de ventre, douleurs menstruelles et musculaires…), en appliquant sur une partie du corps (poitrine, dos, membres ou bain de pied), entre deux linges, des produits bouillis. Selon Loeiz ar Floc’h, « ur palastr had lin graet gant gwin ruz a zo mat evit kement gouli a zo » (« un cataplasme de graines de lin et de vin rouge permet de traiter n’importe quelle plaie ») et la farine de lin en cataplasme est connue pour extraire les inflammations des membres (Ar Floc’h, 1993, p.74). Selon Christophe Auray, aux Fougerêts, on soignait les bronchites en plaçant des cataplasmes de graines de lin sur la poitrine ; de fait, l’enquête de Flora Armorica menée de 2008 à 2011 a recensé l’usage de la farine de lin sous cette forme à Scaër et Braspart (Finistère). Les graines de lin appliquées en cataplasme permettent de lutter contre la toux, l’angine et la bronchite à Spézet (Finistère). Pour traiter les crevasses ou coupures autour des paturons des chevaux (strouchoù, en breton), François Le Bris conseille d’appliquer des cataplasmes de graines bouillies de lin et de chanvre ajoutées à du beurre doux. Jean-Yves Salaün rapporte également un traitement utilisé pour soigner les boiteries des bovins causées par des inflammations et panaris. Au préalable, un kilogramme de graines de lin est mis à tremper dans de l’eau chaude pendant une vingtaine de minutes. Cette préparation est versée dans un sac en toile épaisse dans lequel on glisse le pied de la vache blessée ; le tout est fermé à l’aide d’une ficelle. Une journée plus tard, après mûrissement de l’abcès, la bête est libérée de son pansement.
Toujours en usage externe, les coussins ou bouillottes sont un exemple actuel de redécouverte des vertus des graines de lin. L’huile contenue dans les graines permet d’emmagasiner la chaleur et de la restituer doucement. L’utilisation de ces bouillottes sèches est largement répandue. Selon de nombreux témoignages recueillis, achetées en parapharmacie, boutique bio ou confectionnées à la maison, elles sont employées, préalablement chauffées dans le four, le micro-ondes ou sur le poêle, pour calmer un mal de rein ou un torticolis.
Enfin, l’huile de lin mélangée à de l’eau de chaux permet d’obtenir du liniment connu depuis long- temps et encore employé pour traiter les brûlures et les érythèmes fessiers des enfants.
Les usages médicinaux du chanvre
En usage interne, la graine de chanvre peut être utilisée en infusion et décoction pour les hommes comme pour les animaux à la fois contre la constipation et la dysenterie. Elle est réputée, entre autres, réduire le cholestérol et la tension artérielle.
En usage externe, le chanvre peut servir aux pratiques de massage à l’huile. Les graines produisent une huile sèche particulièrement intéressante pour les soins de la peau, dont les propriétés sont nombreuses (antioxydante, raffermissante, régénérante, anti-inflammatoire, émolliente…). Ainsi, elle est reconnue pour les soins cutanés quotidiens et pour prévenir ou traiter l’acné, l’eczéma, la couperose, le psoriasis… L’huile de chanvre est également utilisée comme cosmétique naturel pour nourrir les cheveux et les ongles. Pierre-Yves Normand, transformateur de chanvre, signale la forte demande en huile de chanvre, notamment pour soigner ou prévenir les gerçures des agriculteurs et autres personnes se servant de leurs mains dans leur travail. L’huile de chanvre peut également être utilisée, en usage externe, sous forme de cataplasmes, pour traiter les inflammations de la peau telles que les brûlures (notamment liées à la radiothérapie), les coups de soleil ou faire sortir un furoncle.
Comme l’huile de lin, l’huile de chanvre est employée pour fabriquer du liniment.
En homéopathie, la dilution d’apocynum cannabinum (racine du chanvre du Canada) est indiquée contre les atteintes rénales avec albuminurie et urémie et comme tonique cardiaque.
Actuellement, des produits dérivés du cannabidiol ou CBD sous forme d’huile, de comprimés, de spray ou de bonbons sont parfois autorisés à la vente s’ils ne contiennent aucun THC. Ils sont réputés pour lutter contre les troubles du sommeil, la migraine, l’anxiété et la dépression, les nausées et vomissements…