Face au Mont-Saint-Michel, Cancale, ville de 5000 habitants, et son port de La Houle est le site idéal pour l’élevage des huîtres par sa situation de petite conche aux fonds peu profonds, baignée par les plus grandes marées d’Europe. Le climat vivifiant et les eaux brassées régulièrement assurent à l’huître des conditions privilégiées pour garantir une qualité reconnue. L’huître plate indigène Ostrea Edulis, communément appelée « belon », vivant à profusion dans les fonds marins de la baie, a fait la renommée de Cancale. Ainsi, en 1545, François Ier accorda-t-il le titre de « ville » à Cancale pour la qualité des huîtres fournies à sa table. Draguées à l’époque par les « bisquines », surexploitées et affectées par des épidémies, les huîtres plates naturelles ont failli disparaître. L’huître creuse fut alors introduite avec la pratique d’élevage et la naissance de l’ostréiculture, d’abord avec la portugaise Crassostrea puis avec la japonaise Crassostrea Gigas, plus résistante, qui prospère sur tout le littoral. L’activité ostréicole, qui représente 500 ha de parcs exploités par une trentaine d’entreprises dans la baie de Cancale, est rythmée par les marées, par les allées et venues des bateaux de pêche d’huîtres plates clairsemées sur le bassin, le port étant souligné par l’alignement des parcs le long de la baie, surplombés par le rocher de Cancale. Plates ou creuses, les huîtres sont présentes un peu partout sur les marchés de Bretagne.

Pêcheurs, pilotes de navire, matelots, ostréiculteurs, expéditeurs, scientifiques des centres de recherche, poissonniers, épiciers, restaurateurs, écaillers, armateurs et charpentiers marines s’appliquent à élever, transporter, préserver et valoriser les huîtres plates et creuses de Cancale et d’ailleurs, dans le respect de l’environnement marin.

Les ostréiculteurs
Les ostréiculteurs de Cancale élèvent des huîtres creuses et des huîtres plates dans le cadre de deux activités différentes, dans des parcs et structures ostréicoles pour l’huître creuse, en pleine mer en bateau pour les huîtres plates. Ils travaillent le plus souvent en équipe dans les parcs d’huîtres creuses. L’un des ostréiculteurs rencontré, spécialisé dans l’huître plate travaille seul avec un équipier. Les configurations d’exploitation sont très variables. En bout de chaîne de production, il y a les ostréiculteurs expéditeurs qui s’attachent en premier lieu à répertorier et tracer la marchandise.

Le rôle des femmes y est prépondérant, comme il l’était jadis dans le parcage, le lavage et la vente des huîtres dans leurs paniers d’osier ou à même le sol, lorsque les bateaux, dits « bisquines », les ramenaient sur la grève. Les femmes ostréicultrices s’impliquent dans le tri, la commercialisation des coquillages, mais aussi dans l’animation et la promotion locale, telle Laurence, responsable du marché aux huîtres du port de La Houle, associée à huit producteurs présents toute l’année sur place de 9 h à 18 h l’hiver et à 20 h l’été. Chacun présente et vend à la dégustation, huîtres plates et huîtres creuses de différents calibres aux promeneurs, avec des démonstrations d’ouverture d’huîtres assurées.

Les organisations collectives

— La coopérative conchylicole : elle a été créée après 1963, année de grande mortalité des huîtres plates. Les producteurs de la coopérative eurent l’idée d’ensemencer en eaux profondes, en mixant les bancs naturels d’huîtres plates avec des huîtres d’élevage.

— La coopérative de ravitaillement : elle a été créée par les producteurs pour le ravitaillement en containers, carburant, câbles et autres matériels nécessaires à l’activité.

— La confrérie des Hîtes de Cancale : créée en 1990, la confrérie fait connaître la ville et les huîtres de la baie de Cancale. Leur tenue, de couleur vert et or, symbolise les reflets changeants de la mer. Elle agit en lien avec l’Académie, qui regroupe les confréries de Bretagne, et participe activement à la promotion des produits, du patrimoine et de la culture bretonne.

— Les comités régionaux de la conchyliculture (CRC) : anciennes sections régionales de la conchyliculture (SRC), les CRC sont régies par les articles L 912.6 et suivants du Code rural et de la pêche maritime. L’interprofession se compose de sept CRC, répartis sur le littoral français : Normandie, mer du Nord, Bretagne nord, Bretagne sud, Pays de la Loire, Poitou- Charentes, Arcachon-Aquitaine et Méditerranée. Dans leur ressort territorial, les comités relatives aux méthodes de production et d’exploitation du domaine conchylicole, notamment en ce qui concerne la coexistence et le développement des différentes activités conchylicoles dans les mêmes zones de production ; aux bonnes pratiques culturales, en particulier en matière de densité et de durée d’élevage ; à une meilleure adaptation de la production aux besoins du marché ; et à l’information des adhérents sur les statuts, les techniques d’élevage, la hauteur des tables pour la pénibilité, les casiers à étages, etc. ; b) de réaliser des actions de promotion en faveur des produits conchylicoles de leur région ; c) de créer ou de provoquer la création, de faciliter ou d’assurer la gestion d’actions collectives de nature à favoriser l’exercice de la conchyliculture, dont ceux destinés à améliorer la productivité des exploitations ou à organiser l’exploitation des bassins conchylicoles, tels que le balisage, l’entretien des accès et chenaux, le dévasage et l’éradication des parasites ; d) de proposer ou de prendre toutes mesures tendant à améliorer la formation professionnelle et l’emploi (formations à l’hygiène, les systèmes d’aménagement, la gestion de l’eau, la lutte contre les pesticides, etc.) ; e) de participer à la protection et à l’amélioration de la qualité des eaux conchylicoles ; et f) d’informer leurs membres des mesures prises par le comité national et d’en assurer l’exécution.

— Le Syndicat national des employeurs de la conchyliculture (SNEC) : il a pour objet l’étude et la défense des droits et des intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels, des personnes visées par les présents statuts.

Les services de recherche
Institut de recherche intégré en sciences marines, l’IFREMER contribue au système de recherche et d’innovation national et à l’espace européen de la recherche. Il appuie les services de l’État et les collectivités en matière de politiques maritimes.

Lieu(x) de la pratique en France
Le long de la Côte d’émeraude, la baie de Cancale (Ille-et-Vilaine) en Bretagne et la baie du Mont-Saint-Michel (Manche) en Normandie abritent, en eaux profondes, des huîtres sauvages, en particulier sur les côtes bretonnes à Cancale et sur les côtes normandes à Granville. L’huître plate naturelle de Cancale était, semble-t-il, présente en abondance depuis des millénaires dans les fonds marins, comme l’attestent les tonnes de coquilles d’huîtres retrouvées sur la grève du port de La Houle et dans ses fondations. Des amas de coquilles d’huîtres ont également été identifiés dès l’an 1000 dans plusieurs ports de Vendée (Saint- Michel-en-l’Herne, Beauvoir-sur-Mer, Champagné-les-Marais, Le Langon) et de Loire- Atlantique (Bourgneuf-en-Retz), indiquant une forte présence et la consommation d’huîtres sur la façade atlantique dès le Moyen Âge. Cette profusion aurait néanmoins empêché, comme à d’autres époques, leur renouvellement et entraîné leur épuisement. L’élevage des huîtres plates en eaux profondes puis des huîtres creuses s’est alors développé sur le littoral français. Des huîtres plates sauvages se développent à nouveau naturellement en Charente- Maritime, avec une faible exploitation. L’ostréiculture se pratique dans chacun des sept bassins ostréicoles français : Normandie, Bretagne nord et Bretagne sud, Vendée, Charente- Maritime, Arcachon et Méditerranée, avec des techniques d’élevage spécifiques.

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
L’aquaculture s’est généralisée au niveau mondial par l’élevage des huîtres, pratiquement présentes partout dans le monde. La Chine est en tête de l’élevage, avec 82 % de la production mondiale. Les autres principaux producteurs sont la Corée du Sud (6 %), les États-Unis (4 %), le Japon (3 %) et l’Union européenne (2 %). La France produit 82 % des huîtres européennes et reste le premier consommateur d’huîtres en Europe [Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture : http://cnc- france.com/La-Production-mondiale.aspx].

Les baies de Cancale et du Mont Saint-Michel sont des lieux propices à l’élevage et à l’affinage, en surélévation en milieu découvrant pour les huîtres creuses et en eaux profondes pour les huîtres plates. Les huîtres creuses se plaisent généralement dans des eaux de moindre profondeur aux fonds rocheux ou vaseux, à condition qu’elles trouvent les coquilles ou graviers pour se fixer, de préférence dans des baies, des anses ou des estuaires. Les marées leur apportent l’oxygénation suffisante, car, si elles sont habituées à supporter l’exondation, c’est-à-dire le fait que la mer se retire, il ne faut pas que celle-ci se prolonge trop longtemps. Cancale était le lieu propice pour développer l’ostréiculture, qui démarra au début du XXe siècle autour de savoir-faire spécifiques de captage et d’élevage de plus en plus structurés, sachant qu’il faut trois à quatre années d’élevage de l’huître pour qu’elle soit commercialisable.

La qualité de l’eau
La qualité de l’huître de Cancale vient de celle des eaux de la baie, fortement brassées par de puissantes marées. D’importants travaux ont été effectués récemment par la Ville pour améliorer la station d’épuration amenant la qualité des eaux de Cancale au meilleur niveau. Les eaux où sont élevés les coquillages font l’objet d’une surveillance permanente par les réseaux de surveillance de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), pour le compte de l’État, qui renseignent les conditions sanitaires des zones de production. Les résultats de cette surveillance sont utilisés par les autorités publiques pour gérer les zones de production conchylicoles et protéger la santé des consommateurs. Les ostréiculteurs réalisent eux-mêmes des autocontrôles et des contrôles des produits mis sur le marché pour la consommation.

 

La reproduction des huîtres
Les huîtres creuses
La reproduction des huîtres a lieu tous les ans, pendant l’été. Les huîtres creuses, portugaises ou japonaises, après la maturation sexuelle au printemps et au début de l’été, expulsent dans l’eau les cellules reproductrices mâles (spermatozoïdes) et femelles (ovocytes). Après la fécondation, les œufs deviennent des larves, soumises immédiatement aux mouvements des courants de marée. Quelques jours après, les larves sont munies d’une petite coquille naissante et d’un velum (voile), qui leur permet à la fois de nager et de capter leur nourriture. Cette phase larvaire dure environ trois semaines, au terme de laquelle l’animal mesure un tiers de millimètre et est prêt à s’accrocher sur un support favorable. En plus du velum, un pied permet à la larve de chercher son habitat définitif et de s’y fixer en secrétant un ciment. Ce nouveau mode de vie s’accompagne d’une métamorphose, le pied et le velum régressent puis disparaissent, des branchies et des palpes se forment pour assurer la captation de la nourriture et son acheminement vers la bouche. La vie vagile de l’huître n’aura donc duré que trois semaines et l’animal sessile est accroché à son support. Cet animal nouvellement fixé se nomme naissain.

Les huîtres plates
La reproduction de l’huître plate (Ostrea edulis) est sensiblement différente car la fécondation des ovocytes s’effectue dans l’huître, entre les valves, et non pas à l’extérieur, dans l’environnement. L’huître plate garde ses larves pendant une dizaine de jours avant de les expulser. Cette différence dans la stratégie de reproduction des deux espèces d’huîtres reflète aussi des habitats légèrement différents. L’huître plate vit dans un environnement légèrement plus profond et plus éloigné de la côte que l’huître creuse. Les variations de salinité y sont plus faibles et les fonds plus sableux, plus graveleux.

 

Le captage de l’huître
La culture des huîtres commence par la récolte du naissain, ensemble des jeunes huîtres fixées sur un support naturel ou artificiel. Cette opération, dite « captage », se fait l’été à une température de 21° C pour que les larves ne meurent pas. Elle consiste à disposer des collecteurs sur des parcs de captage, afin de récupérer les naissains et de les mettre en élevage. Les collecteurs sont placés dans des bassins de reproduction, en Charente-Maritime, à Marennes Oléron, à Fouras et à Arcachon pour les creuses, et dans le Morbihan, pour les plates, du fait de conditions environnementales adaptées. Les larves se collent sur des tubes collecteurs, soit sur une coupelle ou sur des huîtres chaulées, dans les Charentes, ou sur des tuiles chaulées à Arcachon, ou en eau profonde sur des moules pour les plates. Puis, une fois captées, elles sont récupérées par les ostréiculteurs. Des ostréiculteurs naisseurs ont pour activité de récupérer les larves et d’autres les récupèrent sur des collecteurs sur place.

L’élevage
Les huîtres creuses
Les jeunes huîtres sont séparées des collecteurs entre six et neuf mois, puis elles vont poursuivre leur croissance dans des poches. Stéphane, ostréiculteur à Cancale, achète ses jeunes huîtres à des naisseurs, les élève et les amène à terme. Celles-ci, placées dans des poches rigides de petites mailles, sont alors installées dans des parcs abrités, en tenant compte des courants et des vents, afin de permettre leur croissance dans les meilleures conditions. Laissées sur les collecteurs au bout de deux ou trois mois, elles ont pris 3 à 4 millimètres. Les collecteurs sont ensuite mis dans des poches et attachés sur tables, le mieux étant de les décoller avant pour les mettre dans les poches, en cas de grosse prise au
vent. Ses bancs sont néanmoins situés à l’abri des flots au nord-est de la baie de Cancale.

 

Après 18 mois, elles sont disposées dans des poches sur des tables surélevées, soit 10 000 huîtres pour Stéphane.

 

Entre 18 et 24 mois, elles sont ainsi mises dans des poches à gros maillage, exemple des n°3, de 66 à 85 g. Une grille interprofessionnelle a été adoptée pour la commercialisation et la taille marchande est fixée à 30 g. La grille définit le nombre d’huîtres par colis selon un calibre allant de 1 à 5. Les huîtres sont couramment consommées jusqu’à 150 g.

Ainsi, entre deux et quatre ans, il faut régulièrement dédoubler les poches, pour les amener à 250 huîtres par poche, en triant dans celles à mailles plus ou moins grosses. Elles sont régulièrement triées selon la grosseur. Entre chaque étape de dédoublage et de cryptage, il faut retourner les poches, soit 15 manipulations pendant cette période de travail tout en force. L’équipe de Stéphane et de ses associés (15 personnes sans compter les saisonniers au printemps et l’été) chaussent leurs bottes tout au long de l’année pour poser, attacher et retourner les poches, emballer, expédier pendant les fêtes de Noël. Au printemps, le plancton arrive et l’eau, de bleue, devient verte, période durant laquelle les huîtres se réveillent, se nourrissent et grossissent. Les plus petites sont mises à l’abri. En fin d’année, l’équipe pêche et calibre les huîtres en surveillant la grosseur des dentelles de la coquille, puis dédouble au printemps. Stéphane trie ainsi 35% des huîtres à Noël et le reste dans l’année. Les poches sont retournées régulièrement pour favoriser le coffrage soit l’épaisseur et le durcissement de la coquille. Les huîtres sont contrôlées, triées et remises successivement dans des poches adaptées à leur taille, afin qu’elles puissent grossir en profitant pleinement du renouvellement du plancton. Cette pratique d’élevage les protège des prédateurs, favorise la circulation de l’eau, l’apport en flore et micro-organismes divers. Sur 100 huîtres qui naissent, 20 à 25 survivent. Arrivées à maturité, elles sont récupérées, calibrées et stockées au dépôt pour les faire durcir. Elles se contraignent alors à rester fermées, car elles n’ont plus d’eau pendant 15 jours à 3 semaines et, supportant l’exondation, elles gardent l’eau à l’intérieur de leur coquille et toute leur fraîcheur.

 

Les huîtres plates
L’élevage s’est déplacé en mer, où les huîtres sont semées à densité réduite (100 individus conseillés au m²), afin de limiter les atteintes parasitaires et favoriser une croissance plus rapide, pour une vente à l’âge de 2 à 3 ans. Richard, ostréiculteur, élève des huîtres plates. Il possède à Cancale une concession de 110 ha et une autre dans le Morbihan pour le captage des naissains dans la baie de Quiberon et de Brest ; 80 % viennent de la baie du Mont-Saint- Michel. Les naissains nés en juin 2018 ont été semés en avril-mai. Richard emmène des casiers de naissains sur coupelles chaulées provenant du Morbihan pour faire des semis en mer. Il fait des semis tous les jours, récupérés le matin à Quiberon, puis semés dans la journée avec un équipier, soit un million de semis par hectare. Une surface de mer est identifiée pour chaque semis. Le parc d’huîtres est en eau en permanence. Chaque matin, Richard récupère les naissains dans le Morbihan, puis les sème en baie de Cancale grâce à son bateau amphibie. Chaque jour, il règle ses câbles pour pêcher les huîtres et pour draguer les « crépidules », coquillages parasites, qui étouffent les huîtres plates, apportés par des bateaux américains lors du Débarquement. Il passe les trois derniers mois de l’année à récolter les huîtres plates, Noël étant la période pleine. Mais la récolte est de plus en plus faible. Sur ses deux cents jours passés en mer chaque année, 80 % de ses dimanches sont occupés et la moitié du temps est passée à ramasser des « crépidules ». La relance de l’élevage d’huîtres plates a été impulsé avec la coopérative conchylicole dans les années 1960. Créée après 1963, année de grande mortalité des huîtres plates, elle proposa d’ensemencer en eaux profondes en mixant les bancs naturels avec des huîtres d’élevage, favorisant ainsi la production en Bretagne dans les baies de Cancale et de Quiberon. Elle oscille actuellement autour de 2000 tonnes.

 

Tri et lavage
Les huîtres sont apportées des parcs au centre de tri en remorque, en fonction des marées, de leur taille et des besoins de l’ostréiculteur. Elles sont aussitôt trempées dans des réserves remplies d’eau de mer. L’eau de mer est pompée directement dans la baie pour le lavage et le triage, elle alimente également le bassin de purification, ou les huîtres seront trempées pendant 48 h pour les rendre plus propres, enlever les microparticules par un filtre. Elles sont mises dans des bacs afin d’améliorer le process de purification. Toutes les huîtres creuses et plates sont calibrées. Elles sont disposées dans des bacs d’eau de mer (pour être lavées), elles remontent sur le tapis roulant de la machine trieuse. En amont de la machine, une personne va réaliser un premier tri pour enlever les mauvais coquillages.

Les huîtres sont calibrées 1 à 5 et classées suivant leurs poids à l’aide d’une calibreuse qui pèsent chacune d’entre elles. Cette étape est réalisée pendant les trois ans de production. Les huîtres sont classées en fonction de leurs poids à chaque étape de son cycle, puis remisent dans des poches avec une densité différente suivant l’avancée de son cycle. Les huîtres marchandes sont posées une à une dans 1 compartiment, puis pesées, puis distribuées dans des bacs différenciant le calibre de chaque huître.

Traçabilité
Toute la marchandise est tracée et répertoriée. Lorsque les palettes de poches d’huîtres arrivent, celles-ci sont immédiatement calibrées et classées en catégorie de forme, de taux de chair, etc. Toutes les données sont parallèlement répertoriées sur informatique concernant, par exemple, les virages de poches, les contrôles de poids : 30 000 poches retournées neuf fois et localisées. Tout ce qui concerne la traçabilité de l’huître est saisi, pratique avant- gardiste mise en œuvre par l’entreprise de La Famille Boutrais depuis douze ans, en raison de l’exigence de la clientèle, en particulier celle de la grande distribution. Elle se traduit sur l’étiquette qui comprend : la désignation du produit, la provenance, la date d’emballage, le numéro du centre d’expédition, le calibre, le poids, le nombre d’huîtres à l’intérieur et les coordonnées de l’éleveur pour chaque colis.

Conditionnement et expédition
Pour tout type de commande, les huîtres sont systématiquement mises en bourriche à la main, où elles sont rangées une à un. Si elles sonnent creux, c’est qu’elles ne sont pas étanches et sont remises en eau pour faire de la coquille. Le colis est envoyé sur un tapis roulant, puis cerclé de rubans en plastique, un colis contenant au minimum douze pièces. Les coquillages sont placés dans des emballages fermés et étiquetés pour la commercialisation afin d’assurer la traçabilité auprès des consommateurs. L’étiquette est obligatoire et doit rester en place jusqu’à l’étal de vente [http://cnc-france.com/La-qualite.aspx]. Elle comprend la marque sanitaire (l’identification et le numéro de l’établissement d’expédition agréé ainsi que la date de conditionnement), la mention « Ces coquillages doivent être vivants au moment de l’achat », le pays d’élevage, le poids, le numéro du calibre et le nom de l’espèce en latin. Une fois fermé, le colis rejoint une palette dédiée à un client et un transporteur. Les livraisons locales sont effectuées par une équipe de l’entreprise, qui livre les restaurants, les poissonneries, les épiceries fines. Les particuliers sont livrés par Chronopost.

 

Les ostréiculteurs commercialisent également leurs huîtres en vente directe, dans les marchés ou chez les restaurateurs. Pour l’huître plate, certains la vendent aux ostréiculteurs qui n’ont pas assez de production.

Les qualités sensorielles et organoleptiques des huîtres de Cancale
Les qualités sensorielles de l’huître
Les huîtres plates, de formes arrondies à chair ferme et blanche, nuancée de gris ou de brun sont généralement consommées vivantes, sans préparation culinaire et sont particulièrement fermes et iodées, avec un arrière-goût de noisette propre à la cancalaise. « C’est une huître à chair ferme, qui se mange aussi bien crue que cuisinée. Une explosion d’iode ainsi qu’une sensation doucement salée qualifient la Cancale » [témoignage de Emmanuel Tessier].

Les qualités organoleptiques de l’huître
Elle est particulièrement riche en vitamine B12, en cuivre, en fer, en zinc et en plusieurs autres nutriments. Remplie d’Oméga-3, elle offre des effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire. L’huître bénéficie d’une teneur en lipides plus élevée que pour d’autres fruits de mer. Elle est davantage source de vitamines A et D et est de surcroît peu calorique : 60 calories pour 100 g. Elle apporte des protéines de qualité et de nombreux éléments très utiles à l’organisme. On lui associe donc des bienfaits revitalisants, reconstituants voire thérapeutiques.

 

Fine ou spéciale ? Au-delà du goût, les huîtres sont appréciées différemment selon leur taux de chair, leur couleur, la forme de la coquille, la taille, ou bien par le mode et le lieu de culture faisant référence à une région ou un site. L’huître dite « spéciale » est définie par son indice de chair. Sur 100 % de l’animal (coquille comprise), on compte plus de 10,5 % de chair. Ce sont les plus charnues. On peut reconnaître une huître spéciale à sa forme de goutte et à sa concavité bien spécifique : la coquille est plus creuse et plus arrondie. C’est une question d’affinage : les huîtres sont placées dans des eaux moins salées et plus riches en plancton, des bassins argileux, de faible profondeur, où l’huître peut acquérir une belle couleur verte. La spéciale est affinée pendant au moins quatre semaines, contrairement à la « fine » (moins de 10 % de chair), qui est affinée au moins 28 jours entre novembre et fin mars. La « fine » est connue pour son goût salin. La « spéciale » est beaucoup plus douce, charnue et longue en bouche. La « fine de claire » a un taux de chair est inférieur à 10 % et affinée en « claire », un bassin creusé par l’homme dans une zone marécageuse subissant l’effet des marées.

Objets, outils, matériaux supports

Les parcs à huîtres
Les anciens pêcheurs sont devenus des ostréiculteurs : Colbert octroya les premiers parcs aux veuves des « terre-neuvas », mais édicta également l’’ordonnance de 1681 sur les dispositions concernant la notion du domaine public maritime et des estrans ( partie du littoral périodiquement recouverte par la marée), sur lesquels sont installés les parcs. Le naturaliste Victor Coste, étudiant le captage et l’élevage du naissain au cours des années 1850, expérimenta les premiers parcs d’élevage à Arcachon puis en baie de Saint-Brieuc. Les parcs se sont multipliés un peu partout sur le littoral atlantique, mais également en Méditerranée, avec des techniques toujours plus perfectionnées. Les parcs appartiennent à l’État et sont concédés aux ostréiculteurs, avec une localisation et des obligations d’usage et d’entretien définies par la direction des Affaires maritimes. L’ostréiculteur peut revendre sa concession. Pour être viable et permettre le lancement, la surface minimum doit être de 1,5 ha. À Cancale, le coût moyen est de 26 000 €/ha et, sur cette zone, de 35 à 40 000 € nu sans les tables. Des ventes de tables, de stocks et de poches ont aussi lieu, sachant qu’il faut 4000 poches pour 1 ha. Ainsi, Stéphane et ses associés ont acheté une exploitation en 2010, qui s’étend sur 10 ha à Cancale et 10 ha dans la nouvelle zone. Cette « nouvelle zone », créée au large de la baie à cause d’un envasement de la conche il y a une dizaine d’années, avait pour autre objectif d’apporter plus de plancton et d’offrir des huîtres de qualité supérieure.

 

Les tables et autre matériel
Autrefois, les tables étaient très basses et rendaient le travail dur, car il se faisait à même le sol à la fourche ; aujourd’hui, les tables sont à hauteur d’homme et sont organisées et placées de façon à faciliter le travail de l’ostréiculteur et le passage des tracteurs et bateaux, tels que les « lasses », bateaux traditionnels qui servent à travailler sur la vase et sur la mer.

 

Les bisquines
Née au début du XIXe siècle dans le golfe de Gascogne, ou golfe de Biscaye, la « biscayenne » était un bateau de pêche basque. Ce type de voilier, performant mais non ponté, se retrouve tout au long de la côte atlantique, évoluant au fil du temps et des caractéristiques de chaque bassin de navigation. Elle devient « bisquine » dans la baie du Mont-Saint-Michel au cours de la première décennie du XIXe siècle et se comptait par centaines au début du XXe siècle, se substituant aux navires des « terre-neuvas » qui emplissaient le port. Un navire massif et puissant, fin et maniable était nécessaire pour affronter les importantes marées, parfois de 14 m de marnage, pour aller pêcher et draguer poissons et coquillages. Sa coque de 18 m et sa grande voilure carrée, pouvant atteindre 350 m², sont caractéristiques de la « bisquine ». Son aptitude à remonter dans le vent et sa qualité de marche lui permettent d’aller livrer rapidement. Des centaines de « bisquines » s’échappaient du port, formant une flottille appelée « caravane ». Les « bisquines » contribuèrent à la prospérité de Cancale et de Granville, mais sortirent d’usage avec la disparition des bancs d’huîtres plates sauvages et l’arrivée de l’ostréiculture.  Le lancement de la Cancalaise en 1987, dans le port de La Houle, rappelle le temps du draguage des huîtres avant l’arrivée du moteur et des parcs ostréicoles. La Granvillaise fut lancée en 1990. Les deux bisquines s’affrontent régulièrement en régates, perpétuant une tradition plus que centenaire de courses de bisquines. La Cancalaise se visite et accueille 24 personnes en plus de l’équipage pour des balades nautiques dans les îles Chausey et dans la baie du Mont-Saint-Michel.

Les bateaux dragueurs amphibie
Utilisé pour le dragage d’huîtres plates en eau profonde à Cancale et baie du Mont-Saint-Michel, le bateau de Richard, ostréiculteur spécialisé dans les huîtres plates, est amphibie. Il va sur terre et sur mer. Ses roues se relèvent automatiquement lorsqu’il flotte ; on l’entend au bruit. Parqué dans la zone ostréicole de Vivier-sur-Mer, il et se nomme Blonde de Belon, en référence à l’huître plate née à l’embouchure de la rivière Belon. Il part avec des casiers de naissains pour faire des semis en mer. Le bateau comprend des casiers et un système de câbles pour lâcher les semis en mer, puis draguer les huîtres plates au fond de la mer,

Modes d’apprentissage et de transmission

La transmission est en partie familiale, mais une formation diplômante, récente et adaptée aux besoins de l’activité, est obligatoire. Pour être apte à être concessionnaire d’une structure ostréicole, il faut obtenir l’examen de passage devant la Commission des cultures marines ou être titulaire d’un diplôme de Cultures marines, obtenu après un Baccalauréat professionnel de Cultures marines, un Brevet professionnel Responsable d’exploitation aquacole et maritime (BPREAM production aquacole) ou encore un stage de formation agréé en Cultures marines. « C’est un métier que l’on fait par passion car il faut aimer la notion d’élevage » [témoignage de Sébastien Eon].

Pour être employé d’une structure ostréicole, il est obligatoire d’être marin et d’avoir reçu une formation de matelots, ou une obtention d’une « Capacité professionnelle ostréicole » ou de chef d’équipe pour gérer l’équipe et conduire le bateau. Des autorisations sont également nécessaires pour transporter des personnes sur les bateaux, notamment les saisonniers.

Pour la gestion de la traçabilité, des compétences spécifiques sont nécessaires, notamment en informatique, pour enregistrer l’ensemble des données d’élevage et de production.

 

Personnes/organisations impliquées
Le lycée public maritime de Saint-Malo propose des formations continues des gens de mer de différents niveaux et possède une antenne à Cancale : 1) Capitaine 200 / Capacitaire ; 2) Capitaine 500 ; 3) Certificat Matelot Pont ; 4) Mécanicien 250 kW et Mécanicien 750 kW ; 5) CFBS Fish (Marin ouvrier aux Cultures marines niveau 1) ; 6) Marin ouvrier aux Cultures marines niveau 2 ; 7) Patron de navire aux Cultures marines niveau 1 ; 8) Stage 280 h Cultures marines.

 

Évolution/adaptation/emprunts de la pratique

Les écloseries
Les ostréiculteurs cancalais récupèrent les naissains des jeunes huîtres majoritairement récoltées dans le milieu naturel par la pratique du captage sur collecteurs chez des ostréiculteurs naisseurs, mais aussi en écloserie, dont la production augmente. « Certaines années, le captage dans le milieu naturel est bon et d’autres non » [témoignage de Richard Beaulieu]. Pour remédier à ces incertitudes ont été créées les écloseries en laboratoire privé. L’écloserie d’huîtres représente la première phase de la production des naissains d’huîtres. Elle se déroule en conditions contrôlées dans un bâtiment spécifique. L’eau de mer utilisée y est filtrée et purifiée, d’abord en micro-nurserie en bassins d’eau de mer filtrée et nourrie en phytoplancton, entraînant une première fixation de l’huître sur un tamis, puis dans une nurserie dans des bassins extérieurs, avec de l’eau de mer qui n’est plus filtrée, ni chauffée. La croissance dépend donc des conditions climatiques.

 

Les huîtres triploïdes
L’huître est tout à fait comestible en été, mais elle est alors en phase de reproduction et donc laiteuse, ce qui lui donne un goût particulier, peu apprécié des consommateurs. Pour cette raison, elles sont davantage consommées les mois dits en « r », tout spécialement pour les fêtes de fin d’année. Les huîtres non laiteuses que l’on trouve, l’été, sur les étals des marchés et cartes de restaurants sont des huîtres triploïdes, « organismes vivants modifiés ». L’huître creuse naturelle est diploïde et possède un certain nombre de chromosomes. L’huître triploïde est issue d’un croisement d’huîtres à la suite de recherches de l’IFREMER [https://aquaculture.ifremer.fr/Fiches d information/Filiere Mollusques/Les huîtres triploides] dans les années 2000 , afin qu’elle compte davantage de chromosomes qui la rendent stérile. Elle n’est ainsi plus laiteuse et répond mieux aux attentes du consommateur et à la logique économique.

 

Les huîtres bio
Certaines huîtres sont certifiées bio comme celles de certains ostréiculteurs cancalais.
« L’huître bio est issue du captage naturel ou d’écloseries certifiées bio. Le règlement européen 710/2009 stipule qu’à compter du 1 er janvier 2017 (initialement 1er janvier 2016 puis prolongé), 100 % des huîtres juvéniles d’écloseries doivent être biologiques. La polyploïdie (huître triploïde) est interdite. Les animaux doivent être élevés dans des eaux répondant aux critères applicables aux zones de la classe A ou de classe B telles que définies par le règlement (CE) n° 854/2004. Les zones de production sont situées dans des eaux de haute qualité écologique telles que définies par la directive cadre sur l’eau (DCE) » [https://www.cgocean.com/cgocean/Blog CGO/Le Blog Conchylicole/L-huître-biologique
produire-differemment-pour-se-demarquer].

Stéphane par exemple achète ses naissains dans une « écloserie bio ». Avec s es associés , il se consacre à la production d’huîtres bio , selon le cahier des charges de certification de l’huître bio , qui doit être élevée en mer dans des zones certifiées par I FREMER Ces conditions recouvrent la structure, le bâtiment et le recyclage avec trois critères importants : la qualité de l’eau de la baie du Mont Saint Michel la traçabilité de l’élevage de l’huître à Cancale , qui doit avoir vécu les deux tiers d e sa vie à Cancale pour le goût l’origine naturelle de l ’huître , qui doit venir d’une écloserie bio dès sa naissance . L es 350 tonnes d’huîtres de cette
exploitation se nourrissent du phytoplancton abondant de la baie de Cancale. « Une huître filtre toujours. Il y a peu de risque de virus à cause des courants d’eau très forts qui les élimine, liés au marnage (aux marées) » [témoignage de Stéphane Quémérais].

Autres utilisations
Les agriculteurs récupèrent les coquilles d’huîtres pour mettre dans les champs. Broyées plus ou moins finement, elles sont employées en agriculture comme amendement dans les sols trop acides ou comme complément alimentaire pour les volailles. On les retrouve dans nombre d’utilisations cosmétiques, peintures, revêtements routiers par leur qualité de drainage, composant de plastiques etc.) et elles sont l’objet d’importantes recherches scientifiques.

 

L’huître de Bretagne et de Cancale est pêchée et cultivée depuis le VIe siècle dans la région, en ayant surmonté des épidémies et diverses alertes de disparition. Cette activité fit vivre de nombreuses familles de Cancale à partir du XVIIIe siècle car l’huître était très appréciée à la table de Louis XIV. Son ministre Colbert concédait des parcs à huîtres aux veuves des « terre neuvas » comme dédommagement à la famille. La présence d’huîtres à Cancale est d’ailleurs attestée par des dépôts abondants de coquillages sur la grève du port de La Houle, révélant leur existence millénaire, et plus récemment par des enclos de culture d’huîtres concédés par Colbert.

 

Dégustées par les Romains, très appréciées par François 1er et Louis XIV, surexploitées au XVIIIe siècle en raison d’une consommation massive, les huîtres plates naturelles s’épuisent, faisant place à la culture d’huîtres creuses, introduites à partir d’espèces portugaises, puis japonaises. L’exploitation des huîtres se développa considérablement à la fin du XVIIIe siècle entraînant une surexploitation et une menace pour le renouvellement de la ressource. Espèce naturelle des côtes européennes, l’huître plate indigène a fait l’objet de pêches abusives ayant entraîné le déclin des bancs naturels. Presque chaque habitant de Cancale possédait un parc à cultiver façonnant peu à peu un nouveau métier. Un édit royal du XVIIIe siècle fixant des périodes de pêche, interdite du 1er avril au 31 octobre, fut fixée pour y remédier. Il s’agissait à l’époque d’huîtres sauvages pêchées sur de petits navires.

 

Sous la Révolution française, les législations furent abolies par les autorités et l’activité reprit intensément au XIXe siècle sur les côtes bretonnes et normandes avec l’apparition des « bisquines », bateaux à large voilure et imposant gréement, pour la pêche et le dragage des huîtres de la région. Les techniques d’élevage se développent, tout comme les outils d’exploitation, conduisant à la mise en culture des huîtres dès le milieu du XIXe siècle. Des centaines de bisquines naviguaient dans la baie du Mont Saint-Michel provoquant parfois de violents heurts.

 

Médecins, naturalistes et scientifiques commencèrent à mener des recherches liées à la préservation de la ressource compte tenu de l’exploitation grandissante et du non renouvellement des bancs. L’État joua un rôle d’impulseur, tandis que les initiatives privées se multiplièrent. Les pionniers de l’ostréiculture ont réalisé les premiers essais d’élevage en 1849. Le naturaliste Victor Coste, proche de Napoléon III, obtint des fonds pour plusieurs expérimentations, notamment dans la baie de Saint-Brieuc. François-Ferdinand Bon construit un parc expérimental à Saint Servant, en 1853, où il testa une technique de plancher destinée à collecter les naissains d’huîtres. Sa mise en œuvre, qui démarra à Cancale et se généralisa sur les côtes bretonnes, donna le coup d’envoi de l’ostréiculture : il était désormais possible de repeupler et de recréer des bancs pour l’élevage des huîtres. Au commencement de l’élevage de l’huître et de l’installation de parcs, le petit port de maisons de pêcheurs de La Houle s’est rapidement agrandi, rejoignant l’ancien village construit autour de l’église de Saint-Méen, configurant ainsi la commune de Cancale. Les parcs se sont développés et étendus jusqu’à atteindre aujourd’hui les rades de Saint-Malo et de Saint-Brieuc et les côtes du Trégor, jusqu’à la région de Brest. De cueilleur à éleveur, la profession s’est installée et s’est structurée au fil des années.

 

Après une première crise liée à la mortalité du début des années 1920, l’ostréiculture s’est développée et l’on estime à près de 15 à 20 000 tonnes la production d’huîtres plates en 1968-1970, au moment de l’apparition du parasite Marteilia, suivi onze ans plus tard par Bonamia .
Ces deux parasites ont entraîné une division par dix de la production.

 

Naturellement présentes dans l’océan Pacifique, les huîtres creuses ont été importées en France entre 1966 et 1974, de Colombie britannique (géniteurs) et du Japon (naissain) pour remplacer l’huître creuse portugaise éliminée par deux maladies virales. Actuellement, le naissain originaire d’Arcachon et des pertuis charentais, ainsi que dans une moindre part de l’écloserie, approvisionne l’ensemble des élevages sur les côtes françaises notamment la baie de Cancale. Après l’épuisement de l’huître plate au début du XIXe siècle, le savoir faire de l’élevage de l’huître creuse s’est développé sur le bassin d’Arcachon et en Charente-Maritime avec l’arrivée de la « portugaise » en 1860 et a été exporté vers les autres bassins ostréicoles du littoral français ostréicoles du littoral français, notamment en Bretagne. Le hasard veut en effet que, dans les dans les années 1860, un navire chargé de livrer des huîtres portugaises à Arcachon a dû décharger sa cargaison dans l’estuaire de la Gironde afin de pouvoir gérer au mieux la tempête qu’il subissait. Ainsi est née l’ostréiculture dans l’estuaire de la Gironde et le pertuis charentais.

Vitalité
Environ 3500 tonnes d’huîtres creuses et 1000 tonnes d’huîtres plates pour une production
nationale de 76 705 tonnes [Production européenne d’huîtres creuses et plates (FAO/2014)]
sont produites par an sur 500 h a de parcs par une trentaine d’entreprises dans la baie de
Cancale.

 

Menaces et risques
La longue histoire agitée de l’huître dans le monde et en particulier à Cancale montre sa
fragilité face aux prédateurs de la mer (bigorneaux, crépidules), aux épidémies et aux virus
qui l’ont décimée à différentes époques, comme dans le cas de l’huître plate puis de l’huître
creuse portugaise. Seule l’huître japonaise Crassostrea Gigas semble résister aux attaques
malgré la dégradation des écosystèmes. La monoculture de cette espèce semble de plus être
un risque de dégradation. Les huîtres plates garantes d’un écosystème favorable à de nombreux organismes vivants encore présentes en Bretagne et en Normandie sont soumises à des menaces croissantes. Les huîtres souffrent en particulier du réchauffement climatique, de la sécheresse, des températures élevées qui favorisent la prolifération des virus , entraînent la réduction de la production de plancton nécessaire à la nourriture de l’huître et favorisent le développement d’écloseries d’huîtres stériles. Malgré les efforts engagés pour préserver la qualité des eaux, les producteurs, en particulier les artisans du littoral maritime , se mobilisent avec les coopératives et les services publics régionaux face à une situation qui transforme et menace leurs savoir-faire marins, l’écosystème et les coquillages.

Modes de sauvegarde et de valorisation
Le musée de la Ferme marine
L’Aurore, 35260 Cancale, 02 99 89 69 99
La Ferme marine propose une découverte de l’univers des huîtres de Cancale, des entreprises ostréicoles, de l’histoire de l’huître de son milieu et des marées , une exposition de coquillages du monde entier et des journées pédagogiques pour les scolaires.

 

Maison de la Baie du Mont Saint-Michel
Port Est 35960 Le Vivier-sur-Mer, 02 99 48 84 38
La Maison de la Baie du Mont Saint-Michel fait découvrir la baie et ses productions à travers une exposition permanente sur le travail de la mytiliculture AOP, des sorties en mytili-mobile pour visiter les parcs à moules, les parcs à huîtres et les pêcheries traditionnelles, des randonnées pédestres pour la découverte de la b aie et de ses paysages (durée : 4 à 6 h), des journées pédagogiques pour les scolaires pour l’étude de la baie et de son écosystème.

 

Actions de valorisation à signaler
La caravane
Le « pied de cheval » est l’huître originelle de Cancale, pêchée une fois par an souvent en
nombre pendant la « caravane », autorisation ponctuelle donnée par les Affaires maritimes,
pour les préserver et perpétuer la tradition du XIX e siècle de draguage des huîtres par les
« bisquines ».

 

Le marché aux huîtres de La Houle
Installés au bout du port de la Houle, face à la mer, huit producteurs sont présents chaque
jour toute la journée pour vendre et faire déguster aux visiteurs huîtres plates et huîtres
creuses de Cancale.

 

Modes de reconnaissance publique
Le classement au Patrimoine mondial (1979)
Le Mont Saint-Michel et sa baie sont inscrits au patrimoine mondial de l’Humanité depuis
1979 . Sur un périmètre inter-régional de Granville à Cancale/Saint Malo, la Conférence de la
baie du 3 septembre 2015 a proposé un cadre partenarial informel pour développer une
vision commune de l’avenir du territoire, fondée sur l’identité, la préservation et la promotion
du caractère exceptionnel de la baie qui constitue un vecteur d’attractivité touristique et de
développement socio économique local : le Projet de rétablissement du caractère maritime
du Mont Saint-Michel (RCM). La baie de Cancale s’inscrit à ce titre dans un projet paysager
en lien avec le plan de gestion UNESCO (préservation du bien inscrit au Patrimoine
mondial), le contrat de destination Baie du Mont Saint-Michel (tourisme), l’opération Grand
Site (patrimoine paysager) et le Pays d’art et d’histoire (patrimoine culturel).

L’Association des Sites Remarquables du Goût ( 1994)
Cancale est reconnu comme Site remarquable du Goût depuis 1994 et mène des actions de
commercialisation dans les Salons des SRG organisés dans une vingtaine de sites en France,
qui valorisent les atouts touristiques et gastronomiques . Restaurants et tables d’hôtes
proposent des menus du terroir.

Bibliographie sommaire

COLL., L’Huître en Basse-Normandie, Caen, CRECET de Basse-Normandie, 1997.
COMTE (Hubert), L’ Huître : histoire, ostréiculture, gastronomie, Tournai, La Renaissance du livre, coll. « Saveurs gourmandes et Art de vivre », 1999.
LEGUE (Pascale) et PROU (Jean), « L’ Huître, un coquillage nomade sans tête ni jambe mais avec un pied », Techniques & Culture, 59 | 2012, p. 284 305.
LESCROART (Marie), « Les Huîtres 60 clés pour comprendre », Quae, 27 avril 2017
LEVASSEUR (Olivier), « Huître en bretagne », Skol Vreizh, 14 avril 2006.
WILLEMIN (Martine), « L’Huître de Cancale, dix façons de la préparer », Epure, 16 octobre 2008.

 

Filmographie sommaire
Cancale, la perle de la côte d’émeraude, prod. Midi en France, 2016 , 5 mn 38 , en ligne :

 

Sitographie sommaire
● Association ostréicole pour la valorisation de l’huître née en mer
https://www.ostreiculteurtraditionnel.fr
● Comité national de la conchyliculture
http://cnc france.com/Le syndicat national SNEC.aspx
http://cnc france.com/La Production mondiale.aspx
● Comités régionaux de la conchyliculture (CRC)
http://www.cnc france.com/Les CRC.aspx
● Confrérie des hîtes de Cancale
http://academiedesconfreriesdebretagne.keosite.eu/?page=Les%20H%EEte%20de%20Cancale
● Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)
https://aquaculture.ifremer.fr/les Filieres/Filiere Mollusques
https://wwz.ifremer.fr/L institut/Missions
● Marché aux huîtres de Cancale
www.marcheauxhuîtres cancale.com
● Syndicat national des employeurs de la conchyliculture (SNEC)
http://cnc france.com/Le syndicat national SNEC.aspx

Richard BEAULIEU , ostréiculteur d’huîtres plates , a repris l’entreprise de son père en 1997 et a choisi de cultiver des huîtres plates ; il bénéficie de huit concessions, soit 110 ha au total et de concessions dans le Morbihan pour le captage des naissains dans la baie de Quiberon et de Brest , président du Comptoir coopératif Côte d’ émeraude, pilote de Blonde de Belon , SARL de Beaumer, Les Presses , 56470 Saint-Philibert

Maureen BRUGARO, conseillère en séjour , Office du tourisme communautaire de Saint-Malo-Baie du Mont Saint-Michel, esplanade Saint-Vincent , 35400 Saint-Malo , 08 25 13 52 00

Sébastien EON, responsable d’exploitation ostréicole, La Famille Boutrais, bâtiment 6, Les Nielles, 35350 Saint-Méloir-des-Ondes

Jérôme FOYER, navigateur, pilote de L’Ausquémé, Balades iodées, à bord d’un cotre aurique de 13 m de 1942, voilier traditionnel du patrimoine maritime breton, qui draguait jadis les huîtres plates et qu’il a restauré 07 80 58 57 27

Marcel LEMOAL , premier a djoint à la m airie de Cancale , chargé de la Gestion du littoral, des déchets, de l’environnement , 48 r ue du P ort , 35260 Cancale , 06 74 79 46 40

Pierre Yves MAHIEU , maire de Cancale , Hôtel de ville, 48 rue du Port, 35260 CANCALE

Céline MAISONS , présidente du Site remarquable du goût de Cancale , vice-présidente de la Fédération  nationale des Sites remarquables du goût , responsable vente directe (huître Céline) de l’entreprise La Famille Boutrais, qui produit des huîtres depuis trois générations d’ostréiculteurs sur le site de Cancale, exploite 10 ha sur la baie du Mont Saint-Michel et aussi 10 ha à Morlaix, et gère de plus une entre prise de tri et d’expédition, rue du Lac , 35350 Saint Coulomb , 06 15 24 63 52

Stéphane QUEMERAIS , ostréiculteur, a créé son entreprise avec deux associés, amis de Cancale et fils d’agriculteurs ; ils ont travaillé jeunes dans les crustacés et coquillages à Saint-Malo, puis ont créé une structure de ventes de coquillages à tous types de clients et à l’export. En 2006, ils font l’acquisition d’un magasin d’huîtres historique de Cancale et vendent la structure de mareyage pour acheter en 2010, au moment de la crise de production de l’huître, une structure ostréicole ; il travaille aujourd’hui avec une équipe de 15 personnes, ils possèdent 20 ha de parcs et deux magasins de détail à Cancale et au Havre, SCEA Fine de Cancale, Les Nielles, bâtiment 7, 35350 Saint Méloir-des-Ondes , 06 80 13 97 34

Laurence QUERRIEN, ostréicultrice, Les Nielles, 35350 St Méloir-des-Ondes, responsable du Marché aux huîtres de Cancale, 1 rue des Parcs, 35260 Cancale, 06 40 66 01 60

Christian ROCCA, coordinateur de la Fédération des Sites remarquables du Goût

Emmanuel TESSIER, chef cuisinier, restaurant école « Cuisine Corsaire », place Saint Méen, 35260 Cancale, 06 76 94 87 10

Rédacteur de la fiche

Catherine VIRASSAMY
Architecte spécialisée en patrimoine culturel matériel et immatériel, Association greenandcraft, le comptoir des savoir faire, pour le compte de la Fédération des Sites remarquables du Goût

catherinevirassami@gmail.com

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

Cancale, Vivier-sur-Mer et Saint-Méloir-des-Ondes (Ille et Vilaine), 21 22 mai 2019 ;
rédaction de la fiche : juillet septembre 2019.

 

Date de remise de la fiche : 20 septembre 2019
Année d’inclusion à l’inventaire : 2019
N° de la fiche : 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00441
Identifiant ARKH : <uri>ark:/67717/nvhdhrrvswvk2m1</