La palourde est un coquillage fouisseur vivant enfoui dans les fonds sablo-vaseux. Deux espèces autochtones de palourdes, Venerupis decussata et Venerupis pullastra, sont présentes mais peu abondantes dans le golfe du Morbihan ; une troisième espèce, dite « japonaise », Venerupis philippinarum, issue d’élevage, est arrivée dans le golfe dans les années 1970 [Péronnet, Talidec et Daures, 2003].
Les techniques de pêche à la palourde
Dans le golfe du Morbihan, la pêche à la palourde est pratiquée depuis les années 1990 par des pêcheurs professionnels, au départ uniquement à pied puis à la drague dès 1991. La pêche à la main étant plus pratiquée que la pêche à la drague. Ces activités sont aujourd’hui réglementées et encadrées. La pêche de palourdes est autorisée pour une seule marée par jour, la plus longue et est interdite les samedis, dimanches et jours fériés.
La pêche à pied
Sous le terme de « pêche à pied » sont englobées la pêche à la main dans les vasières et la pêche en plongée. Or, il s’agit de deux pratiques différentes ne mettant pas en œuvre les mêmes postures.
– La pêche à la main dans les vasières
La pêche à pied au sens strict se pratique à marée basse sur le sable ou dans les vasières. Elle est autorisée dans les secteurs réservés à la pêche à pied, tous les jours du 1 er mai au 30 avril de l’année suivante, à l’exception du week-end et des jours fériés. À partir du mois de mai, des zones sont ouvertes à la pêche par rotation, suivant un calendrier fixé par une décision du Comité régional des Pêches maritimes et des Élevages marins (CRPMEM). La durée de pêche, définie par le CRPMEM, varie en fonction des zones de pêche. Sur le banc de Truscat, la pêche est par exemple autorisée deux heures avant et deux heures après la basse mer. Sur les vasières, la durée de pêche autorisée est de 5 heures, 2 heures et demi avant et 2 heures et demi après la basse mer. Les pêcheurs ont donc 4 ou 5 heures de pêche effective, mais comptent un temps supplémentaire pour s’équiper et se rendre sur la zone de pêche.
Le pêcheur à pied peut pratiquer une pêche sélective en pêchant « au trou » ou « à la marque : il repère alors les palourdes par les empreintes laissées dans la vase par leurs siphons, il les pêche ainsi une à une. Cette technique ne peut être utilisée que si les conditions météorologiques sont bonnes. La technique la plus courante employée par les pêcheurs est de gratter le fond avec leurs mains pour trouver les palourdes, ce qu’ils appellent « pêcher à la patouille » [entretien téléphonique avec Alain Lavacherie, 4 août 2015] ou « pêcher à la gratte ». Le pêcheur ratisse ainsi le sol à des profondeurs différentes en fonction du climat, de la température et des coefficients de marée. Les techniques de pêche à pied au sens strict ont peu évolué depuis l’apparition de la pratique.
– La pêche en plongée
Dans le golfe du Morbihan, la pêche en plongée s’effectue dans des amplitudes de 4 heures, 2 heures avant la marée basse et 2 heures après celle-ci. Elle se pratique entre avril et décembre suivant un calendrier fixé par une décision du CRPMEM et selon une rotation des zones de pêche.
François Lelong, pêcheur à pied professionnel dans le golfe, pratiquant la pêche en plongée, indique que les pêcheurs à pied ont tous des techniques spécifiques et des styles de pêche différents [entretien avec François Lelong, 27 mai 2015]. On peut tout de même dégager quelques tendances. Le pêcheur arrivé sur le lieu de pêche en bateau, le laisse s’échouer, attend que l’eau descende et pêche à proximité de celui-ci. Lorsque l’eau est claire, il pêche « au trou » comme le fait un pêcheur à pied. S’il n’a pas de visibilité, il gratte le fond avec ses mains. Les techniques de pêche en plongée ont peu évolué, on note tout de même quelques améliorations au fil du temps. Les premiers pêcheurs en plongée ont commencé à pêcher sans annexe mais avec des chambres à air gonflées, le tuba a quant à lui été rallongé petit à petit. La grille de tri a également été mise au point après plusieurs essais.
La pêche à la drague
La pêche à la drague est autorisée suivant un calendrier et des horaires fixés par une décision du CRPMEM. En 2015, la pêche de palourdes à la drague a été autorisée seize jours entre les mois de mai et de juin. Seuls les pêcheurs embarqués possédant un navire de longueur hors-tout inférieure à 12 m et de puissance motrice inférieure à 200 kW sont autorisés à pratiquer la pêche. Une seule drague est autorisée par navire, la pêche doit s’effectuer entre le lever et le coucher du soleil suivant les horaires imposés et par un coefficient de marée supérieur à 70. Deux hommes doivent être présents sur le bateau. La pêche se pratique pendant la semaine de grande marée, le soir ou le matin en fonction des marées. Une pêche de palourde à la drague dure environ 2 h 30, une heure avant la pleine mer et une heure et demi après celle-ci.
Ce sont les dragueurs du Golfe qui, avec un ancien pêcheur de « rigado », appellation locale de la coque, Gilles Lautram, ont mis au point leurs techniques de pêche de palourdes à la drague. Ils se sont en effet inspirés des techniques des pêcheurs embarqués de coques en rivière de la Vilaine ayant une expérience de pêche dans la vase. La drague à rigado a été aménagée et adaptée pour la pêche à la palourde, les mailles ont été remplacées par des barres mais le volet et les dents de 5 cm ont été conservés. Cette technique a été instaurée au début des années 1990 et n’a pas évolué. Les pêcheurs la qualifiant de « bonne », elle n’évoluera plus selon eux. Au cours de la pêche, la drague est jetée à l’eau et traînée derrière le bateau pendant quelques minutes. Elle est ensuite remontée, suspendue à l’armature et vidée sur la table de tri. Les individus trop petits doivent être relâchés sur le lieu de pêche. Les palourdes sont ensuite lavées au moyen de la pompe de lavage présente sur le bateau.
La commercialisation du produit de la pêche
Après la pêche, les pêcheurs à pied comme les pêcheurs en plongée doivent trier les palourdes sur le lieu de pêche et relâcher les palourdes de taille non réglementaire en les éparpillant. Ils sont tenus d’acheminer directement le produit de leur pêche vers les pontons des acheteurs ou les points de déchargement identifiés par le CRPMEM. Certains grossistes se déplacent sur les points de déchargement à partir du mois de juin, mais en période hivernale, les pêcheurs se rendent eux- mêmes chez les acheteurs.
Après le tri des palourdes, les pêcheurs à la drague doivent directement vendre le produit de leur pêche aux mareyeurs ou grossistes sur le lieu de pêche ou sur les lieux de débarquement identifiés par l’arrêté préfectoral 91-960 du 12 novembre 1991.
La vénériculture
L’élevage de la palourde ou vénériculture est une pratique associée à la pêche à la palourde. Celle-ci se développe dans les années 1980 à la suite des travaux du Centre national pour l’Exploitation des océans (CNEXO) et de l’Institut scientifique et technique des Pêches maritimes (ISTPM) sur la palourde japonaise. La palourde japonaise a été introduite en France dans les années 1970. À cette période, des tests d’élevages sont conduits dans le golfe du Morbihan [Latrouite et Pérodou, 1979]. Ceux-ci étant encourageants, dans les années 1985, des éleveurs se sont installés en tant que vénériculteurs, notamment sur l’île d’Arz et à Locmariaquer [entretien avec Alain Lavacherie, 4 août 2015]. La vénériculture est aujourd’hui beaucoup moins pratiquée, des entreprises ont disparu ou se sont reconverties dans le négoce. La Société atlantique de mariculture (SATMAR) élève toujours des palourdes à Saint-Philibert. Dans leur majeure partie, les parcs à palourdes actuels du golfe du Morbihan associent les palourdes à des huîtres ou à d’autres coquillages. La vénériculture relevant d’un autre type de savoir-faire que la pêche de palourdes n’est que peu abordée dans la présente fiche.