Une trentaine d’entreprises conchylicoles du bassin de Pénestin sont portées par des mytiliculteurs passionnés et fiers de leurs produits. La production de moules mobilise une centaine d’emplois à plein temps, de nombreux emplois saisonniers et la moyenne d’âge des chefs d’entreprise est de 40 ans. À vocation artisanale, ces entreprises sont majoritairement représentées par des mytiliculteurs pour lesquels la culture de la moule est l’activité principale, mais elle peut être aussi une activité complémentaire ou principale pour des pêcheurs, des ostréiculteurs, des mareyeurs, des purificateurs ou des expéditeurs travaillant étroitement en lien avec les poissonniers, les restaurateurs, les transporteurs, les armateurs et les charpentiers de marine, qui s’appliquent à commercialiser, équiper, préserver et valoriser les moules de bouchot, de Pénestin et d’ailleurs, dans le respect de l’environnement marin. La communauté est soutenue et accompagnée par les scientifiques des centres de recherche et de contrôle, tels que l’IFREMER, la direction départementale des Territoires et de la Mer (DDTM), la communauté d’agglomération Cap Atlantique, la Mairie de Pénestin, les offices de tourisme et la confrérie des Bouchoteurs, adhérente de l’association des Sites remarquables du goût. Elle se caractérise dans le milieu marin par une forte solidarité familiale et professionnelle.
• Les mytiliculteurs
Les mytiliculteurs étaient jadis pêcheurs et agriculteurs ; ils élevaient des vaches et complétaient leur production par de la pêche. Aujourd’hui, certains mytiliculteurs pratiquent également des activités de pêche complémentaires, telles que la crevette grise et rose, le bouquet, le bar, etc. La saisonnalité des pêches est de plus favorable aux professionnels pour leur assurer une permanence d’activité. Ils pratiquent, pour la plupart, plusieurs activités avec des configurations très variables, qui diffèrent des sites d’exploitation : soit un site de production dans les parcs ou les concessions, soit un second site d’expédition en atelier, où les moules sont purifiées, triées et empaquetées, préparées à l’expédition ou à la vente sur place.
Ainsi, certains mytiliculteurs producteurs ne font que de la production dans leurs parcs ;
d’autres sont mytiliculteurs expéditeurs à l’atelier : ils ne font que de la purification et de la préparation à l’expédition via le réseau des transporteurs. Ils pratiquent souvent une activité de pêche ou la culture de l’huître en complément, mais aussi commercialisent en vente directe sur site, comme dans le cas de la famille Bernard, entreprise familiale depuis deux générations, qui a installé une boutique de vente au détail à l’atelier. Ils ne sont que trois : Renald, le fils, est à la production et à la préparation à la vente ; sa mère et sa sœur sont à la boutique ; un salarié récolte, trie et regarnit. « Les saisons sont très compressées », dit-il. Il souhaite se développer, déménager pour s’agrandir et diversifier l’activité avec des dégustations d’huîtres, de poissons pour le tourisme.
Gilles Foucher, lui, est mytiliculteur depuis 2004, mareyeur et fils de mareyeuse en pays de Loire. Il a créé le groupement « La Pénestin » avec des membres fondateurs, rencontrés au nettoyage, c’est-à-dire pour dégrapper, enlever les petites moules, purifier, trier et mettre en sacs après la récolte, l’entreprise prépare à l’expédition la livraison des mytiliculteurs producteurs.
En bout de chaîne, les purificateurs expéditeurs font la purification et la préparation à l’expédition via leur propre réseau, comme à la SAS L’Estran, entreprise de traitement et d’expédition de moules de bouchot. D’autres moules d’autres provenances sont distribuées de février à décembre. Les trois sociétaires de L’Estran détiennent un savoir-faire logistique : ils préparent à l’expédition ou bien distribuent la production prétriée des mytiliculteurs. Ils recrutent des saisonniers d’avril à septembre pour travailler 7 jours sur 7.
Appartenant à l’État, les parcs à bouchots sont attribués sous forme de concessions aux mytiliculteurs, celles-ci devant respecter des obligations d’implantation des pieux, d’usage et d’entretien définies par la direction des Affaires maritimes. Le mytiliculteur peut céder sa concession. Dans les années 1960, les concessions étaient attribuées à la superficie, mais les pieux y étaient trop serrés. Les professionnels ont alors décidé d’augmenter les espacements pour améliorer la qualité de la nourriture des moules due à une plus vive circulation de l’eau. La densité de pieux fixée à ce jour est de 1700 pieux/ha ou de 125 pieux pour 100 m linéaires.
Les mytiliculteurs sont affiliés au régime social des marins ou à celui des agriculteurs avec les mêmes aides à l’installation. Ils sont parfois contraints à s’affilier aux deux régimes si l’exploitation concernée nécessite une navigation totale de 3 milles ou plus. Les mytiliculteurs exercent leur activité dans des parcs et sont concessionnaires locataires de zones de parcs de différentes surfaces ; ils paient une redevance, renouvelable, à la DDTM pour trente-cinq ans. La superficie minimale d’installation est de 0,75 ha ou 1000 m linéaires (surface ou linéaire minimum).
Les professionnels exercent de moins en moins en leur nom propre, mais de plus en plus sous formes de groupement, qui remplacent les petites unités familiales, pour des raisons économiques. L’évolution des installations montre l’arrivée de jeunes reprenant l’entreprise familiale ou de personnes plus âgées en reconversion, aptes à reprendre des entreprises mieux structurées.
• Les organisations collectives
Syndicat conchylicole de Pénestin
Créé dans les années 1950 et présidé par Thibaud Camaret, mytiliculteur, le syndicat a pour rôle de :
– défendre les intérêts des syndiqués, en particulier pour les urgences (informations sanitaires, alertes Réseau de surveillance microbiologique-REMI),
– programmer les études et travaux liés à la protection Site Natura 2000 de l’estuaire de la Vilaine,
– mener des actions liées aux menaces, telles que le plan anti-étoiles, pour endiguer la prolifération des étoiles de mer avec l’aide des pêcheurs pour les récupérer,
– mener des recherches, telles que celles en cours avec le SMIDAP (antenne maritime de la Région Pays de la Loire) sur le développement du plastique bio compostable, sur la collecte des plastiques mous réalisées par les entreprises pour enfouissement, sur ces plastiques avec en particulier, un industriel espagnol pour faire des filets de protection à partir d’amidon de maïs.
– valoriser les co-produits, c’est-à-dire les déchets comme les « sous tailles », ou petites moules non vendables, dont une partie est récupérée et remise en boudins sur les pieux pour servir de géniteurs du fait de la reproduction naturelle dans le bassin. Une entreprise de Pénestin les revalorise : elle les décortique pour faire des produits transformés ou de la poudre pour complément alimentaire en fumé de poisson. Les coquilles et le byssus sont utilisés pour faire de la silice.
– effectuer un balisage collectif des zones pour structurer les concessions et les protéger des prédateurs,
– assurer la promotion en levant des taxes proportionnellement à la superficie,
– aider les professionnels au difficile recrutement d’emplois saisonniers. Cet emploi est destiné à ceux et celles qui aiment la mer, en bonne condition physique ; c’est un métier dur, où il faut porter des charges et où l’on passe une partie du temps dans l’eau. Il est donc nécessaire d’aimer travailler au grand air et par tous les temps, en supportant le froid, le soleil et les fortes marées. Il y a de plus une contrainte d’horaires, car il faut parfois travailler le samedi et le dimanche.
Deux professionnels sont élus tous les quatre ans pour représenter les intérêts locaux au niveau régional.
Comités régionaux de la conchyliculture (CRC)
Les CRC sont régis par les articles L 912.6 et suivants du Code rural et de la pêche maritime. L’interprofession se compose de sept CRC, répartis sur le littoral français : Normandie, mer du Nord, Bretagne nord, Bretagne sud, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Arcachon- Aquitaine et Méditerranée. Dans leur ressort territorial, les comités régionaux sont chargés de :
− étudier, formuler et proposer des recommandations relatives aux méthodes de production et d’exploitation du domaine conchylicole, notamment en ce qui concerne la coexistence et le développement des différentes activités conchylicoles dans les mêmes zones de production ; aux bonnes pratiques culturales, en particulier en matière de densité et de durée d’élevage ; à une meilleure adaptation de la production aux besoins du marché ; et à l’information des adhérents sur les statuts, les techniques d’élevage, la hauteur des tables pour la pénibilité, les casiers à étages, etc.,
− réaliser des actions de promotion en faveur des produits conchylicoles de leur région,
− créer ou provoquer la création, faciliter ou assurer la gestion d’actions collectives de nature à favoriser l’exercice de la conchyliculture, dont ceux destinés à améliorer la productivité des exploitations ou à organiser l’exploitation des bassins conchylicoles, tels que le balisage, l’entretien des accès et chenaux, le dévasage et l’éradication des parasites,
− proposer ou prendre toutes mesures tendant à améliorer la formation professionnelle et l’emploi (formations à l’hygiène, aux systèmes d’aménagement, à la gestion de l’eau, à la lutte contre les pesticides, etc.),
− participer à la protection et à l’amélioration de la qualité des eaux conchylicoles,
− informer leurs membres des mesures prises par le comité national et en assurer l’exécution.
Comité conchylicole de Bretagne Sud
Présidé par Philippe Le Gal, président au Comité national de la conchyliculture, il rappelle que l’interprofession a pour rôle de représenter les professionnels auprès des services publics dans la règlementation et auprès des écoles maritimes (ministère de l’Agriculture, écoles maritimes du ministère de l’Écologie). Il intervient en matière d’urbanisme (Plan local d’urbanisme), pour préserver les zones d’activité liées à la pêche et à l’activité maritime, pour éventuellement préempter en partenariat avec la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), pour préserver l’agriculture littorale et protéger de l’urbanisation en lien avec la chambre d’agriculture, pour l’implantation de nouvelles zones conchylicoles et équipements sur terre pour aider les entreprises à se développer, comme sur la zone de Loscolo à Pénestin. L’autre enjeu essentiel pour le comité est la préservation de la qualité de l’eau, ses équipements, comme la station d’épuration implantée par la communauté d’agglomération, la règlementation et ses contrôles sur les eaux de baignade, qui influent sur les eaux de culture. C’est aussi celui du respect de l’environnement avec le soutien à l’utilisation de matériaux bio sourcés comme la fabrication de filets plastiques entièrement bio dégradables, réalisés en partenariat avec le SMIDAP, l’université de Montpellier et l’entreprise espagnole Intermas. Enfin, un autre enjeu est de soutenir la dynamique d’installation des conchyliculteurs de Bretagne Sud, tout en préservant le foncier et l’environnement naturel propre au littoral de la baie de Vilaine. Le comité travaille par ailleurs sur un projet de reconnaissance de la profession destiné aux jeunes avec le lancement du Concours général, qui n’existe pas dans la mytiliculture, ce concours historique étant destiné à récompenser chaque année les meilleurs élèves des classes de Première et de Terminale au Concours général des lycées, et des apprentis au Concours général des métiers.
• Les services de recherche et de contrôle
La production et la mise sur le marché des produits conchylicoles sont soumises à une surveillance et à une réglementation très strictes, qui garantissent la sécurité sanitaire des consommateurs. La longue chaîne des contrôles auxquels sont soumis les coquillages tout au long de la filière de production et de consommation commence par la surveillance et l’évaluation du milieu marin.
Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)
L’Institut contribue au système national de recherche et d’innovation et à l’espace européen de la recherche. Il assure pour le compte de l’État, une mission de surveillance et d’évaluation de la qualité des élevages. À cet effet, il gère différents réseaux de surveillance, en particulier au niveau des contaminants microbiologiques.
Réseau de surveillance microbiologique (REMI)
Chargé d’évaluer les niveaux de contamination microbiologique du milieu marin en particulier dans les bassins conchylicoles, il peut décider, en cas de risques de contamination, sur la base de ces résultats, d’interrompre la mise sur le marché des coquillages.
Syndicat mixte pour le développement de l’aquaculture et de la pêche (SMIDAP)
Ce centre technique régional est un lieu de réflexion, d’innovation, de coordination et d’information pour les filières pêches et aquacultures sur des aspects techniques, scientifiques et réglementaires. Référent dans la région Pays de la Loire, il se situe à l’interface entre les structures professionnelles, les organismes de recherche (IFREMER, ONIRIS, universités, par exemple), les administrations, les collectivités locales et en particulier le Comité régional conchylicole de Bretagne Sud pour la recherche sur les bio plastiques liés à la mytiliculture entre autres. Financé par la Région Pays de la Loire et les deux départements de Loire-Atlantique et de la Vendée, il participe à l’aménagement durable des territoires. L’approche environnementale et la gestion des milieux sont à ce titre au cœur de son action.