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Breton

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Breton

« Assurer un bilinguisme harmonieux dans notre société, comme l’ont fait les Catalans, ce serait rendre normale l’utilisation de la langue bretonne sur le territoire et apporter un service identique dans les deux langues. Ensuite, à chacun de choisir la langue qu’il souhaite parler. »

Fulup Jakez

directeur de l’office public de la langue bretonne, Ofis publik ar brezhoneg

MISSIONS

« À Rostrenen ou à Kergrist-Moëlou, que ce soit pour l’INSEE, sur les cartes IGN, les plans communaux ou dans l’annuaire, on trouve un nom de village écrit Coat Trinque, Coat Trenk, Coatrinque, Coat Trinque ou Coatriquen. La correction que nous proposons est Koad Trenk, qui pourrait signifier « le bois aigre », commente Padrig Ferog, en charge du patrimoine linguistique et de la signalisation routière à l’Office public de la langue bretonne. Cette orthographie toponymique, proposée pour les panneaux de signalisation routière en Bretagne, adoptée après délibération de la commune et accord de l’IGN, ne doit rien au hasard. Elle est le fruit de recensions, d’analyses, d’enquêtes de terrain menées auprès des anciens, de recherche de formes anciennes attestées dans la littérature ou de formes actuelles en usage.
Cette normalisation des toponymes réalisée en fonction du système orthographique de leur langue de création, répond au principe fondamental d’une « signalisation bilingue homogène, fonctionnelle et de qualité ». Un dispositif qui contribue à l’égale information délivrée et présentée dans les deux langues, française et bretonne, explique Fulup Jakez, directeur de l’office public de la langue bretonne, Ofis publik ar brezhoneg.

Augmenter la visibilité du breton dans l’espace public est une mission que porte l’Office publique de la langue bretonne. « Dans ce domaine, nous sommes en avance par rapport à d’autres régions », affirme le directeur qui pour autant, tire la sonnette d’alarme. « Nous sommes à présent au-dessous des 200 000 locuteurs. Plus leur nombre baissera, plus il sera difficile d’inverser la courbe. Nous devons faire un effort particulier pour augmenter le nombre de Bretons à parler le Breton ». L’OPLB participe de cette volonté.
« L’Ofis publik ar brezhoneg est un établissement public de coopération culturelle. C’est un outil technique d’observation, de développement de la connaissance et de la pratique de la langue bretonne. C’est aussi un outil d’appui et de conseil pour promouvoir la langue bretonne, pour structurer son enseignement et accompagner la formation des locuteurs. Nous avons dans ce domaine des efforts importants à faire, comparativement aux Alsaciens ou aux Corses », souligne le directeur.

Pour mener à bien ses missions, l’OPLB est structuré en deux pôles : le pôle langue et le pôle étude et développement. Le pôle langue travaille sur la lexicographie, la terminologie, l’orthographie. « Nous faisons fonction d’académie avec un conseil scientifique qui rend des avis linguistiques », souligne le directeur. « Notre territoire n’est pas très étendu et ne connaît pas d’accidents géographiques majeurs, ce qui fait que la langue bretonne est une langue très unie. Il existe peu de variations, sauf dans le Vannetais et pour l’accent. Ce dernier n’a jamais été un obstacle, jusqu’au 20e siècle où l’espace social du breton s’est réduit à l’espace familial, car on parlait français pour sortir du réseau proche ».

Le pôle langue développe ainsi une banque de données du patrimoine onomastique et assure un suivi signalétique. Il aménage le corpus linguistique et l’élargit par la création de terminologies nouvelles, répondant aux usages contemporains d’une langue bien vivante. Consultable en ligne : un dictionnaire historique et numérique du breton. De plus, les Brittophones ou non peuvent faire appel aux services de la structure pour la traduction non littéraire de leurs documents, brochures, etc.
Dans le domaine littéraire, à la demande de la Région Bretagne, une commission traduction littéraire établit la liste des œuvres du patrimoine mondial à traduire, depuis 2012. C’est une liste établie de cent ouvrages pour lesquels les éditeurs reçoivent une aide spécifique, après validation par l’OPLB, garante de la qualité de la traduction. Citons Le misanthrope de Molière, Des souris et des hommes de Steinbeck ou encore les aventures d’Harry Potter.

Quant au pôle étude et développement, il met en œuvre un observatoire des pratiques linguistiques visant à développer une politique linguistique répondant aux évolutions sociologiques et géographiques. « Une des questions peut-être par exemple, combien pèse le breton dans l’économie ? Nous avons recensé près d’un millier d’équivalents temps plein demandant l’usage absolu du breton. » Autre constat, la réorganisation de la langue sur le territoire : « Les locuteurs de moins de 40 ans se retrouvent majoritairement à Brest, Nantes et Rennes, de grands pôles urbains universitaires qui gagnent en locuteurs. En effet, les étudiants bretonnants qui ont rejoint une ville universitaire s’y installent. Ce n’est que plus tard qu’ils retournent dans leur secteur géographique d’origine, bien souvent après un deuxième emploi », constate le directeur qui souligne l’importance d’une telle étude sur les orientations à prendre.

Au sein de ce même pôle, l’agence de développement de la langue se nourrit des réflexions de l’observatoire et assure l’interface avec la société civile, invitant les collectivités locales, les associations, les entreprises à renforcer la visibilité du breton dans l’espace public. Éducation, administration, économie, médias, nouvelles technologies…
Pour inciter les différents partenaires à s’engager, l’OPLB a lancé la campagne « Ya d’ar brezhoneg », « Oui à la langue bretonne ». « Dans un contexte où 95% de la population ne parle pas breton, il faut rendre favorable la vision de la langue bretonne auprès du plus grande monde », commente le directeur. Et de souligner : « Cette charte est une affirmation, un engagement aujourd’hui pour demain. L’OPLB travaille avec une vision prospective pour une transformation progressive de la société bretonne afin que la langue bretonne ne soit plus absente de la vie quotidienne, mais audible par nos enfants, en toutes circonstances, comme à l’occasion des événements sportifs auxquels ils participent ! ».

Christine Barbedet – avril 2016