La gavotte : une famille de danses
La gavotte est une famille de danses issues du répertoire traditionnel de Basse-Bretagne, désormais regroupées sous cette appellation générique.
Selon l’ethnologue Jean-Michel Guilcher, pour différentes que soient les multiples formes de gavottes, elles ont été « reliées entre elles par toutes sortes d’intermédiaires et procèdent vraisemblablement d’une forme initiale unique qui paraît avoir été la ronde » ; ses travaux tentent à démontrer que « les pas caractéristiques des différents terroirs sont issus d’une souche commune et qu’il s’agit bien partout d’une seule et même danse à l’origine » [Guilcher, 1963, p. 181].
L’accompagnement musical se fait par :
• des chanteurs a capella avec la technique du kan ha diskan. Le kan ha diskan (chant et déchant, en français) est une technique d’accompagnement a capella de plusieurs danses traditionnelles en Basse-Bretagne, comme les gavottes et la danse plinn. Cette technique était pratiquée dans une bande centrale constituée des départements du Finistère et des Côtes- d’Armor, incluant seulement quelques communes du nord-ouest du Morbihan.
• des couples de sonneurs binioù/bombarde ou cornemuse/bombarde ;
• des couples de sonneurs de treujenn-gaol. La treujenn-gaol (ou « trognon de chou », en français) est le nom donné à la clarinette. Les sonneurs bretons jouaient principalement sur des clarinettes à 6 ou 13 clés, en utilisant un doigté progressif, ce qui produit une gamme au tempérament inégal caractéristique.
• des joueurs d’accordéon chromatique ou diatonique ;
• ou des formations musicales regroupant des instruments non traditionnels bretons.
Quelles qu’en soient ses déclinaisons, ce sont son pas et sa structuration qui différencient la gavotte des autres danses de Basse-Bretagne, comme la Dañs Plinn (danse originaire de la région sud-ouest des Côtes-d’Armor autour de la commune de Saint-Nicolas-du-Pelem).
Le pas de la gavotte
Le pas de gavotte se fait sur une phrase de 8 temps et la progression du danseur se fait toujours dans le même sens : de côté et vers la gauche pour les gavottes en ronde et en chaîne, et droit devant lui pour les gavottes en cortège. Sur les 8 temps intervient une subdivision.
Jean-Michel Guilcher précise que « partout la trame de la danse est constituée par un pas de course ou d’un tempo intermédiaire entre marche et course. Il y a un appui par temps » et ajoute que « l’alternance régulière des appuis est rompue une première fois vers le milieu de la phrase par une subdivision de la pulsation » [Guilcher, 1963, p. 181]. Le détail et la place de ce changement d’appui ne sont pas les mêmes selon les formes. Il y a une seconde rupture d’appui à la fin de la phrase, mais cette fois par groupement de pulsations.
Les formes de la gavotte
On distingue quatre formes de gavottes :
• la chaîne toujours fermée, c’est-à-dire la ronde ;
• la chaîne toujours ouverte ;
• la chaîne tantôt ouverte et tantôt fermée (chaîne mixte) ;
• la disposition par couples, en cortège ou pas.
En pays de chaîne fermée, la gavotte peut se présenter sous la forme de simple ronde ou sous la forme d’une suite en trois parties : une première gavotte en ronde, une seconde ronde dite « bal » ou tamm kreiz, alternant pas de marche sur 8 temps et reprise dansée sur 8 autres temps. Notons que les pas du « bal » de la suite de danses étant des pas de marche sur les 16 premiers temps et des figures sur les 16 temps suivants, ils ne sont pas, à proprement parler, des pas de gavotte.
En pays de chaîne ouverte, mixte ou cortège, la première partie de danse peut, elle aussi, être suivie d’un bal, soit un « bal à 2 », un « bal à 4 », un « bal à 8 » ou d’un jabadao, qui alterne, sur 8 temps, des pas de danse reprenant les appuis de la gavotte et des figures.
Les différentes gavottes enseignées aujourd’hui
Les caractéristiques principales des gavottes, ici présentés, sont enseignées désormais dans les ateliers et stages de danses. L’enseignement dans des ateliers et stages de danses conduit à une certaine standardisation ; il incombe d’y inclure la part de l’interprétation individuelle. Personne ne danse en effet exactement comme indiqué dans les fiches techniques d’enseignement. L’unité de la danse ne vient pas seulement de la somme des pas exécutés mais aussi de la cohésion stylistique de la communauté des danseurs et du mouvement global de danse qui s’en dégage.
Comme mentionné précédemment, les dénominations utilisées ci-dessous pour décrire les différentes formes de gavottes sont, pour une part, récentes et émanent essentiellement des cercles celtiques. Ces dénominations s’appuient sur des enquêtes de terrain (notamment celles réalisées par Jean-Michel Guilcher) et tendent à faire exister comme une danse spécifique ce qui n’est, en fait, qu’une variante observée dans telle ou telle commune.
• La gavotte du Bas-Léon
Le Bas-Léon, région du Nord Finistère, correspond à l’ouest d’une ligne Brest/Plouguerneau, sans que cette limite soit rigide. La forme principale de la danse est la ronde [ill. 1]. Selon les travaux d’Erwan Tanguy et Ghislaine Le Fur pour la fédération Kendalc’h [document « Stage d’étude gavottes », Kendalc’h, Châteauneuf-du-Faou, 19-20 janvier 2013], une forme en chaîne ouverte ou en cortège peut y être associée. La subdivision des pas intervient aux temps 3 et 4 avec un appui retenu aux temps 7 et 8. Le déplacement se fait sur la même ligne de danse sauf au temps 7 où l’on observe une surrection du corps sous l’influence du mouvement de bras et la position du corps.
• La gavotte dite « Kernevodez »
Ce « terroir » correspond au versant ouest des Monts d’Arrée, dans le Finistère, autour des communes de Hanvec, Rumengol et Saint-Éloy. La gavotte se danse en chaîne courte avec un cavalier pour fermer la chaîne. Le temps 1 se fait sur le pied droit. La progression vers la gauche se fait sur les temps 1 à 5 et du surplace aux temps 6 à 8. Après la gavotte, les chaînes se referment en rond pour danser un bal collectif, composé d’une balade sur 16 temps et de figures sur 16 temps. Le « bal à deux », qui suit le bal collectif, est lui aussi composé d’une balade sur 16 temps, suivie de figures sur 16 temps également.
Il existe une forme dite « gavotte d’honneur », ou Dañs wa’r sei’ienn (« danse des rubans », en français) [ill. 2]. Forme plus récente de gavotte en couple ; le couple de danseurs effectue un déplacement sur 8 temps en pas de gavotte ordinaire avant d’enchaîner sur des déplacements plus amples.
• La gavotte du pays de Brasparts
Le terroir de cette gavotte se situe autour de la commune de Brasparts considérée comme la limite occidentale de la « Haute-Cornouaille » (cfr. carte n° 1).
La gavotte est dansée en chaîne ouverte [ill. 3] et composée de 3 parties :
● tamm kentañ (1re ronde de danse) ;
● un tamm-kreiz ou bal (2e ronde de danse) ;
● tamm diwezhañ (3e ronde de danse).
Sur les 1re et 3e rondes de danse, au temps 1, il y a un posé du pied droit, légèrement devant la ligne de danse. Cette forme d’appui la distingue des autres formes de gavottes, qui commencent du pied gauche. La subdivision du pas se fait sur les temps 5 et 6.
La 2e partie, dite tamm kreiz ou « bal », est une ronde au départ pied droit avec un déplacement latéral sur 8 temps. À la fin de ces 8 temps, les danseurs cessent leur déplacement latéral et effectuent un déplacement vers le centre de la ronde en pas de 4 puis un recul en pas de 4 pour revenir à leur place.
• La gavotte du pays de Châteaulin dite « Rouzig »
Le pays « Rouzig » (« marron », en français) correspond schématiquement à la basse vallée de la rivière Aulne en Centre-Finistère, la commune centrale est Châteaulin. Certains « pays » en Basse-Bretagne tirent leur nom de la couleur de certaines pièces du costume traditionnel. Ainsi, le costume masculin de Châteaulin était à dominante marron/rousse (Rouz en breton). Il en va de même du pays de Quimper, dit « Glazig » en raison de la dominante bleue (Glaz en breton) du costume des hommes. De même pour le pays « Melenig » (Melen signifie jaune en breton), qui qualifie le pays des environs d’Elliant (Finistère) en raison de la couleur des broderies du costume traditionnel de cette région.
Il existe deux formes de danses :
• en quadrette (quatre danseurs) ;
• ou en chaîne ouverte de six [ill. 4].
Le temps 1 est un posé du pied gauche, la subdivision ici se fait en 3 et 4 avec des pas glissés. Le pas des hommes se singularise par l’apport de fioritures. Le style de la danse est caractérisé par une marche légère, sans rebondissement ; les appuis sont portés sur la plante des pieds. La danse progresse de façon ample, les mouvements de bras sont souples.
• La gavotte dite du pays « Dardoup »
Le pays « Dardoup » comprend la plupart des communes du canton de Châteauneuf-du- Faou (Finistère), à savoir les communes de Châteauneuf-du-Faou, Plonevez-du-Faou, Collorec, Landeleau, Laz, Saint-Thois et Saint-Goazec. Les limites de ce pays sont les Montagnes Noires au sud, la rivière Ster Goanez à l’ouest, la rivière Elez au nord-est. Il existe deux formes de gavottes dites « Dardoup » : la suite de gavottes des Montagnes du pays Dardoup et la gavotte d’honneur du pays Dardoup.
La « gavotte Montagne du pays Dardoup » est composée des trois rondes classiques déjà décrites pour la région de Braspart, à la différence près qu’elle débute sur le pied droit : le tamm kentañ, le tamm-kreiz et enfin le « ton diwezhañ » avec une phrase musicale de 8 temps, puis une phrase musicale de 16 temps. Cette gavotte se fait en chaîne ouverte ou en chaîne longue. La subdivision se fait sur les temps 3 et 4.
Le tamm-kreiz de cette variante est particulier. Il se compose d’une balade sur 16 temps puis d’une figure sur place de 16 temps. Lors de la balade, les danseurs se tiennent par le petit- doigt, les bras le long du corps, sans autre balancement que le balancement naturel dû à la marche. En fin de balade, les danseurs s’arrêtent et débutent les figures.
Il existe également une forme dite « d’honneur » à laquelle s’ajoutent, à la gavotte proprement dite déjà évoquée, un « Bal à quatre » [ill. 5] et un « Bal à huit ». Ces deux bals prennent la forme d’une balade suivie d’une série de figures.
• La gavotte dite des « Montagnes »
On trouve cette forme de gavotte dans le pays de Carhaix, en Finistère, dans les communes autour d’Huelgoat, Poullaouen et Scrignac. Si des variantes locales peuvent exister, elles ne sont que minimes. La gavotte dite « Montagne » est elle aussi une suite de trois rondes de danses décrites ci-dessus. C’est une gavotte en ronde fermée [ill. 6].
À l’instar de la gavotte du pays de Braspart et de celle du pays Dardoup, la formule d’appui des pas sur la première et la troisième ronde est exactement la même. La subdivision des pas se fait sur les temps 3 et 4 avec une surrection gauche/droite sur les temps 7 et 8.
Le Tamm-kreiz se compose de deux parties. Une balade de 16 temps et des figures sur 16 temps également, au cours desquelles les danseurs marquent alors la pulsation musicale avec les bras et/ou les pieds, sur 16 temps, mais d’une manière non codifiée.
• La gavotte dite « de Calanhel »
Cette nomination est sujette à caution car la gavotte ainsi désignée n’est pas spécifique à la commune de Calanhel, mais est située au cœur du petit pays où se pratique cette danse. Localisé au sud-ouest des Côtes d’Armor, ce territoire recouvre les communes de Lohuec, La Chapelle-Neuve, Plourac’h, Plusquellec, Calanhel, la partie nord-ouest de Callac, la partie sud de Plougras et la partie est de Bolazec.
Comme la gavotte dite des « Montagnes », elle se danse en ronde fermée et se compose de trois parties : Tamm-kentañ, Tamm-kreiz et Tamm-diwezhañ. La subdivision se fait ici sur les temps 5 et 6. Le Tamm Kreiz diffère légèrement : à la suite de la balade sur 16 temps, l’homme casse la ronde et se met face à la femme [ill. 7] et, sur 16 temps, les danseurs balancent alternativement la jambe gauche et la jambe droite comme indiqué sur la photo ci- dessus avant de reprendre la balade.
• La gavotte dite « Fisel »
Ce pays regroupe 16 communes autour de Rostrenen et Maël-Carhaix, toutes situées dans le département des Côtes d’Armor. Comme pour les gavottes Montagnes, cette ronde fermée comprend les trois rondes décrites ci-dessus. La différence majeure tient à ce que la subdivision se fait sur les temps 4 et 5. Le style de la danse est marqué par l’élan des pas. Pour le Tamm-kreiz, à la suite de la balade sur 16 temps, l’homme se met face à la femme. Sur 16 temps, les danseurs exécutent alors, sur place, une série de figures reprenant le balancé des jambes [ill. 8] similaire à celui de la gavotte dite du pays de « Calanhel », ou reprenant exceptionnellement les pas des deux rondes lors des concours.
• La gavotte dite « kost-ar-c’hoad »
Le pays Kost-ar-c’hoad (ou « près du bois » en français) tire son nom de la barrière naturelle qui le délimite au nord et à laquelle il est adossé : la forêt de Quénécan, au sud-ouest des Côtes d’Armor. Il regroupe quatre communes : Gouarec, Plélauff, Perret et Sainte-Brigitte. Cette gavotte n’est composée que d’une seule partie, une ronde en chaîne fermée. Le changement de pas se fait au 4e temps. Sa caractéristique principale est que la chorégraphie des pas enchaîne des croisements des pieds droit et gauche [ill. 9]. Le pas effectué par les femmes est identique à celui des hommes, mais plus sobre et moins nerveux.
• La gavotte dite « Pourlet »
Le pays « Pourlet » se compose de vingt communes de la partie nord-ouest du Morbihan, regroupées autour de Guéméné-sur-Scorff. La forme de la danse gavotte Pourlet est dite en chaîne mixte, c’est-à-dire que les deux formes, chaîne fermée et chaîne ouverte, se succèdent au cours de la même danse. La gavotte Pourlet est composée d’une seule partie.
À la différence des autres gavottes, l’unité de base dans la chaîne de danse est le couple : l’homme tient sa cavalière par la main, le bras droit sur le bras gauche de la cavalière, mais elle tient le cavalier suivant, bras ballants, par le majeur ou l’index [ill. 10]. La subdivision intervient aux sur les temps 3 et 4. La caractéristique de la gavotte Pourlet est le « décrotté », effectué par les hommes uniquement et qui est en fait un saut vertical au 8e temps.
• Le laridé-gavotte de Pontivy
Le terroir de cette danse est composé de treize communes situées autour de Pontivy, dans le centre-nord du Morbihan. Le laridé-simple, bien que n’utilisant pas le terme de « gavotte » dans sa dénomination, appartient à la famille des gavottes. La danse s’exécute en ronde fermée [ill. 11]. Si la danse est « rebondissante », les pieds se soulèvent à peine. Les mouvements et le déplacement latéral sont de faible ampleur.
• La gavotte dite « Glazig »
Le territoire « Glazig » regroupe 29 communes autour de la ville de Quimper dans le Sud- Finistère. Cette gavotte est composée d’une ronde de gavotte, d’un bal puis d’une seconde ronde gavotte. Elle inclut, depuis la fin du XIXe siècle, un « Bal à deux » et un jabadao pour aboutir à la forme qu’on lui connaît actuellement.
Elle se danse par couple et en cortège [ill. 12], les hommes à gauche de leur cavalière. Les deux moments forts de la danse sont l’impulsion du temps 1, le retombé du temps 2 et le croisé du temps 5.
Le « bal à deux » comme le « bal à quatre » se compose également d’une balade sur 16 temps. Le jabadao, lui, se réalise en rond formé de 4 couples, d’une balade et d’une série de figures.
• La gavotte Bigouden
Cette gavotte tire son nom du pays Bigouden, terroir situé au sud-ouest du département du Finistère, autour de Pont-l’Abbé. À l’instar des pratiques du pays Glazig, il s’agit d’une gavotte en cortège formé de couples de danseurs [ill. 13]. La suite de danses est ainsi composée : une gavotte, un bal à deux, un bal à quatre, un bal à huit et un jabadao. La subdivision se fait sur les temps 3 et 4. Le pas de progression est glissant. La chorégraphie de la danse inclut un salut des danseurs entre eux.
• La gavotte de l’Aven
L’Aven est un terroir du sud-est du département du Finistère. Sa ville-centre est Pont-Aven, les régions de Concarneau et Rosporden font partie de ce terroir. Cette gavotte connaît un nombre significatif de variantes locales. À l’instar des suites de gavottes dites glazig du pays de Quimper ou du pays Bigouden, la suite de danses du pays de l’Aven est composée de la gavotte proprement dite, d’un bal à deux, d’un bal à quatre, d’un bal à huit et d’un jabadao. Dans cette gavotte en chaîne ouverte [ill. 14], formée de quadrettes, deux couples se regroupent pour former une quadrette en chaîne. Le cavalier de tête mène la quadrette, sa cavalière est à sa droite, elle est suivie par la seconde cavalière, le second cavalier occupe la dernière place. La subdivision intervient aux temps 3 et 4.
• La gavotte du Cap
C’est la gavotte que l’on trouve dans le pays du cap Sizun, pointe située au sud-ouest du département du Finistère, dont la ville centre est Pont-Croix. Comme les autres formes de gavottes du Sud-Finistère, elle se danse par couple, en cortège, les hommes à gauche de leurs cavalières [ill. 15]. Elle alterne deux figures : sur la première, les deux partenaires se tournent l’un vers l’autre aux temps 3 et 4, puis font un tour et quart sur eux-mêmes vers l’extérieur ; pour la deuxième figure, seule la cavalière tourne sur elle-même, sur la gauche, sous le bras de l’homme sur les temps 5 à 8.