Le fest-noz est un rassemblement festif basé sur la pratique collective des danses traditionnelles de Bretagne, soutenues par des chants ou des musiques instrumentales. Dans la société rurale traditionnelle, ces rassemblements accompagnaient les différents moments de la vie collective : noces, travaux agricoles, pardons (pèlerinages), veillées, etc. Selon les lieux, ces rassemblements pouvaient avoir différentes désignations, dont le mot « fest-noz » dans le centre de la Bretagne, qui signifie en breton « fête de nuit ». Dans le courant du 20ème siècle, avec le passage rapide d’une société rurale traditionnelle à une société moderne et industrielle, ces occasions d’expression se sont trouvées peu à peu menacées, et avec elles les répertoires de danses, de chants et de musique instrumentale qui y étaient liés.
Dès la première moitié du 20ème siècle, un puissant mouvement est né en Bretagne, organisé autour de très nombreux Cercles Celtiques, pour sauvegarder toutes ces richesses culturelles. Au milieu du 20ème siècle, dans le Centre Bretagne, des militants de la culture bretonne ont proposé une nouvelle forme de rassemblement, inspirée du concept moderne du bal, alors en plein développement. Ils reprirent l’ancienne désignation locale, « fest-noz », terme qui allait désormais être utilisé dans toute la Bretagne pour désigner des soirées festives, non plus privées mais publiques, organisées le plus souvent par des associations, dans des salles des fêtes communales, sonorisées, avec entrée payante et affiche de plusieurs sonneurs, chanteurs ou groupes programmés. La réussite de la transition entre l’ancienne et la nouvelle forme doit beaucoup à la très forte participation de nombreux « porteurs de tradition » (chanteurs, musiciens, danseurs), qui répondirent favorablement aux sollicitations des collecteurs et des organisateurs.
Lors des festoù-noz, plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de variantes locales de danses sont pratiquées, issues de trois grandes strates chronologiques : les danses en ronde ou en chaîne qui sont les plus anciennes, les danses à figure (quadrette, cortège, moulinet…) issues pour l’essentiel des contredanses du 18è-19ème siècle, et les danses en couple de la fin du 19ème et du siècle. Le fest- noz a notamment permis aux danses du fonds le plus ancien, les danses en rond, un regain de vitalité extraordinaire, au point que celles-ci sont aujourd’hui devenues un élément fondamental du fest-noz, même dans les régions où elles n’avaient plus cours traditionnellement. Grâce au fest-noz, plusieurs pratiques vocales et instrumentales anciennes, dont certaines très spécifiques à la Bretagne, continuent de se pratiquer et de se transmettre de manière vivante aux nouvelles générations. On peut notamment citer les pratiques de chant alterné a capella pour mener la ronde, dont le fameux « kan ha diskan » (chant à réponse en langue bretonne avec « tuilage » entre le meneur et le répondeur), la pratique des sonneurs de couple (biniou et bombarde, vielle à roue et bombarde, couples de clarinettes), et plus généralement les pratiques de sonneurs en soliste pour une grande variété d’instruments (accordéon chromatique et diatonique, harmonica, violon, vielle à roue, veuze (forme de cornemuse)).
On compte aujourd’hui plusieurs centaines de fest-noz chaque année en Bretagne (984 recensés en 2002), aussi bien en ville qu’en campagne, avec des fréquentations pouvant varier d’une centaine à plusieurs milliers de personnes.
Fonctions culturelles, sociales, signification actuelle
Le succès du fest-noz, surtout à partir des années 1970, a permis, d’une part de sauvegarder et de transmettre, dans le cadre d’une pratique vivante, un immense corpus de répertoires (danses, chants et airs instrumentaux), de pratiques et de savoir-faire traditionnels (pratiques vocales et instrumentales spécifiques), et d’autre part de favoriser une création, une adaptation permanente de ces répertoires et pratiques au monde contemporain, notamment au point de vue musical : naissance des « groupes », intégration d’instruments nouveaux, d’arrangements musicaux, métissages avec le rock, le jazz, la world-music, la musique électronique, etc. Aujourd’hui, le fest-noz est au centre d’un intense bouillonnement d’expériences musicales et a généré une véritable économie culturelle : émergence de centaines de musiciens professionnels et de milliers de musiciens amateurs, développement de dizaines de structures d’enseignement institutionnelles ou associatives, réussite de nombreux festivals basés pour une large part sur le fest-noz, incidence sur les métiers de la scène, de la production artistique ou encore de la production de disques.
Le fest-noz, tout au long de son évolution, a su conserver, au-delà de sa fonction de divertissement, une fonction sociale majeure. Il se caractérise par une grande convivialité, une grande proximité entre chanteurs, musiciens et danseurs, une mixité sociale et intergénérationnelle très importante, et une grande ouverture à l’autre. Si beaucoup de gens viennent au fest-noz pour danser ou pour écouter la musique et le chant, d’autres viennent également simplement pour rencontrer du monde, échanger autour d’un verre, s’immerger dans une ambiance, et aussi dans les régions bretonnantes pour pratiquer le breton. Le fest-noz continue d’être l’événement festif qui accompagne naturellement nombre de moments de la vie sociale. Ainsi, si beaucoup de fest-noz sont organisés par des associations culturelles militantes, beaucoup d’autres sont organisés par de simples comités des fêtes communaux, par des clubs sportifs, par des écoles ou associations de parents d’élèves, des associations caritatives. D’autres encore accompagnent des luttes sociales ou écologiques.
Le fest-noz est un élément central de la culture bretonne contemporaine. Il participe fortement au sentiment d’identité et de continuité des Bretons. Les individus et les communautés locales reconnaissent le fest-noz comme faisant partie d’eux-mêmes, ils prennent conscience à travers lui d’être porteurs de la culture et de l’identité bretonnes. Les nombreux Bretons de la diaspora sont ainsi fortement attirés par les fest-noz organisés un peu partout en France et même à l’étranger.
Les acteurs du fest-noz
La pratique du fest-noz repose sur les participants (danseurs pour l’essentiel, mais aussi simples visiteurs à la buvette, familles, enfants qui jouent, anciens qui regardent…), sur les chanteurs et musiciens, et sur les organisateurs. Elle dépend aussi indirectement d’autres acteurs : structures d’enseignement, centres de ressources documentaires, luthiers. Les milliers de danseurs réguliers proviennent de toutes les générations et de toutes conditions sociales. La Bretagne, grâce au fest-noz, est l’une des régions de France qui comptent le plus grand nombre de chanteurs et de musiciens, aussi bien amateurs que professionnels, aussi bien anonymes que très réputés pour certains.
La plupart des organisateurs sont de petites associations locales. Si le renouveau du fest-noz a d’abord été porté par le mouvement culturel militant, il a très vite débordé ce mouvement et son succès ultérieur ne doit rien à une quelconque structure centralisée. Il n’existe aucune forme de fédération régionale des organisateurs de fest-noz. Néanmoins, indirectement, certaines structures régionales ont joué et continuent de jouer un rôle particulier dans la réussite du fest-noz, notamment les grandes fédérations de cercles celtiques War ‘leur et Kendalc’h pour la transmission de la danse et Dastum pour la transmission des collectes de chants et de musiques.
Eléments matériels constitutifs de la pratique :
Lieux de rassemblement.
Instruments de musique (lutherie locale spécialisée pour certains instruments, notamment biniou et bombardes).
Lieu d’exercice :
Toute la Bretagne et les lieux de diaspora bretonne (région parisienne notamment).
Apprentissage et Transmission :
La transmission aujourd’hui
Traditionnellement, la transmission se faisait par imprégnation, par immersion. A partir de la moitié du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui, des centaines de passionnés ont œuvré à recueillir les répertoires près des porteurs de traditions et à jeter les bases de nouveaux modes de transmission (archives audiovisuelles accessibles au public, mise en place de stages, de cours réguliers, publications, etc.) Aujourd’hui, les répertoires de musique et de chant, et les techniques qui leur sont liées, se transmettent de plus en plus par l’intermédiaire d’écoles de musique associatives ou institutionnelles, mais le véritable savoir-faire pour animer la danse se transmet bel et bien dans le cadre de la pratique vivante qu’offre le fest-noz. Quant à la danse, si beaucoup de gens apprennent désormais également dans le cadre de cours associatifs, une transmission informelle et plus spontanée continue de se faire directement dans le cadre du fest-noz lui-même, par observation et imitation.